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- Seulement 5% des actifs en France font le choix de la retraite par capitalisation
- Ce système a des avantages mais aussi pas mal d’inconvénients
- La retraite par capitalisation n’est pas faite pour tout le monde
En France, alors que le débat autour de la réforme des retraites s’intensifie, seul un député a proposé de réformer le système des retraites en se tournant vers un modèle par capitalisation. Boudé dans l’Hexagone, ce système est pourtant très répandu à l’étranger.
Dans un article paru en 2017 dans Revue d’économie financière, l’économiste Philippe Trainar, professeur titulaire de la chaire d’assurance du CNAM (Conservatoire national des Arts et Métiers), montre même que certains pays (Corée du Sud, Australie, Canada, Etats-Unis) adoptent les fonds de pensions pour financer jusqu’à 60% de leur retraite. En France, les plans épargne retraite pèsent moins de 5%. Pourquoi une telle différence ?
Quel système de retraite est privilégié en France ?
Avant d’expliquer ce qu’est la retraite par capitalisation, rappelons d’abord ce qu’est le système de retraite par répartition mis en place en France. Ce système consiste à financer les pensions des retraités en prélevant des cotisations sur les salaires des actifs. Ainsi, plus il y a d’actifs, moins la charge des retraites pèse lourd sur les salaires, plus le système est viable.
Le problème est que la démographie change. Ainsi, en 2023, les retraités sont plus nombreux et les actifs moins nombreux. Alors qu’il fallait 4 actifs pour financer une retraite il y a plusieurs décennies, il en faut aujourd’hui 1,7 (bientôt 1,5).
Ce système de solidarité intergénérationnel est donc mis à mal par les contraintes démographiques même si le COR (Conseil d’orientation des retraites) ne prévoit pas de situation catastrophique. Dans les pires scénarios, le déficit du système de retraite sera compris entre 0,5 et 0,8 points du PIB d’ici à 2032. On a donc le temps de voir venir.
Reste que les débats entre les défenseurs et opposants à la réforme des retraites ont fait ressurgir l’idée d’un autre modèle de retraite : celui par capitalisation.
La retraite par capitalisation, comment ça marche ?
Le système de retraite par capitalisation n’est pas à opposer à celui par répartition. Les deux se complètent pour une retraite, dans certains cas, plus avantageuse (nous y reviendrons).
Le système de retraite par capitalisation signifie que les cotisations versées par les employeurs et employés sont investies dans du capital : fonds d’investissements, actions, obligations ou fonds monétaires. On place une partie du salaire brut dans ces actifs avec un taux de rendement.
En France, les employés et les employeurs peuvent décider de participer ou non à ce type de modèle de retraite. Certains employeurs par exemple offrent des plans de retraite par capitalisation à leurs employés, soit comme complément obligatoire soit comme avantage supplémentaire à la rémunération et aux conditions de travail. Les employeurs peuvent d’ailleurs cotiser à la fois pour le système de retraite par répartition et pour celui par capitalisation.
Sur le papier, le système de retraite par capitalisation semble alléchant puisqu’il présente de nombreux avantages par rapport au système par répartition. Néanmoins, ce système est loin d’être parfait.
Les avantages de la retraite par capitalisation
Parmi les avantages de la retraite par capitalisation, la flexibilité est sans doute l’un des plus importants. Alors que le système par répartition ponctionne d’office un pourcentage des revenus bruts sous forme de cotisations, le système par capitalisation permet à chaque travailleur de choisir la part des revenus qu’il souhaite allouer à sa retraite.
En gros, un travailleur peut choisir combien il veut placer pour sa retraite, la fréquence de ses contributions ainsi que les types d’actifs dans lesquels il souhaite investir (immobilier, actions, ETF, cryptomonnaies etc.). Ce contrôle sur les actifs est d’ailleurs lui aussi un avantage non négligeable.
Puisque nous évoluons dans un système capitaliste, le système de retraite par capitalisation affiche un rendement potentiel plus élevé. Avec de bons placements financiers un travailleur peut se retrouver avec une retraite plus importante alors que son investissement de base est le même que celui du système par répartition.
En résumé, la retraite par capitalisation est un système plus flexible, avec plus de contrôle individuel et un potentiel de rendement plus élevé. Mais alors, si c’est si magique, pourquoi seulement 5% des actifs Français l’adoptent ?
Les inconvénients de la retraite par capitalisation
Parce que le système de retraite par capitalisation présente aussi pas mal d’inconvénients. En premier lieu, le risque. Avec le système par répartition, un travailleur est assuré d’avoir une retraite après ses années de cotisation, même mince. Avec le système par capitalisation, le travailleur se soumet aux risques du marché.
Puisqu’il investit une partie de ses revenus dans des produits financiers plus volatiles, ses actifs peuvent perdre de la valeur au fil des années et entraîner une réduction de la pension de retraite finale. Il est donc important d’avoir un certain bagage technique sur le monde de la finance ou de confier ses investissements à des professionnels comme des conseillers en investissement. Forcément, cela implique des coûts supplémentaires à prendre en compte dans le calcul de la retraite.
Surtout, le système de retraite par capitalisation ne dispose d’aucune protection en cas d’incapacité. Un vrai point noir lorsque l’on avance dans l’âge. Les travailleurs doivent donc mettre suffisamment d’argent de côté pour faire face aux accidents de la vie comme la maladie ou l’invalidité. En France, la sécurité sociale protège de toute façon les citoyens mais mieux vaut prévenir que guérir.
La retraite par capitalisation vraiment plus intéressante ?
Parmi les avantages de la retraite par capitalisation, celui d’un meilleur rendement est souvent avancé. Pourtant, dans les faits, ce n’est pas le cas explique Philippe Trainar. « Les économistes ont démontré qu’à l’équilibre stationnaire, la capitalisation et la répartition sont équivalentes » précise-t-il. Et d’ajouter auprès de Slate :
Leur rendement est similaire et le transfert de richesse qu’elles opèrent en faveur des retraités est a priori identique. À l’équilibre stationnaire, le taux d’intérêt est en effet égal au taux de croissance de l’économie augmenté du taux de dépréciation du capital. En d’autres termes, les revenus du capital et les revenus du travail croissent au même rythme.
Dans les faits, si l’on observe l’histoire, le système de retraite par capitalisation n’est donc pas plus intéressant financièrement que celui par répartition. Cela est encore plus vrai si l’on se focalise sur les carrières des nouvelles générations et/ou des femmes, plus hachées qu’au siècle dernier. Si on ne travaille pas, on ne cotise pas, ce qui a forcément un impact sur la retraite future.
La retraite par capitalisation, un truc de riche ?
La retraite par capitalisation est en réalité intéressante pour « les plus hauts revenus » explique l’économiste Thomas Piketty. Puisqu’elle est gérée par des sociétés privées (fonds de pension, fonds d’investissements), ceux qui détiennent déjà le capital le font fructifier en même temps que les travailleurs cotisent.
Le surplus d’investissement ne fait donc que renforcer la position des plus hauts revenus, déjà détenteurs du capital, et creuse les inégalités avec les travailleurs aux revenus plus modestes.
Selon Thomas Piketty, il est d’abord essentiel d’opérer une révolution fiscale avant de s’attaquer à une refonte complète du système des retraites. En attendant, la meilleure solution reste d’associer le système de retraite par répartition à celui par capitalisation. Encore faut-il que le premier tienne debout et que les revenus des actifs soient suffisants pour consacrer une partie de leur salaire à la capitalisation.