La police a tiré des gaz lacrymogènes sur des milliers de Soudanais descendus dans la rue, mardi 25 octobre, pour marquer le premier anniversaire du putsch et réclamer un gouvernement civil, bravant la coupure d’Internet et un déploiement militaire massif. « Les militaires à la caserne ! », ont scandé des manifestants dans la capitale, Khartoum, et ses banlieues, où toutes les routes ont été bloquées.
Car dès l’aube, les deux camps se sont activés : les manifestants ont érigé des barricades pour ralentir l’avancée des forces de sécurité et celles-ci ont bloqué ponts et avenues pour empêcher un déferlement de protestataires vers le palais présidentiel, où siège le général Abdel Fattah Al-Bourhane, auteur du coup d’Etat du 25 octobre 2021. C’est aux abords de ce bâtiment que la police a tiré des grenades lacrymogènes pour tenter de disperser la foule, ont rapporté des témoins.
Depuis le putsch, manifestants et militants répètent le même mot d’ordre : « pas de négociation ni de partenariat avec les putschistes » et retour au pouvoir des civils, condition sine qua non pour la reprise de l’aide internationale, interrompue à la suite du coup d’Etat.
Internet coupé
Il y a un an, le général Bourhane, chef de l’armée, rompait tous les engagements pris deux ans auparavant au Soudan, pays plongé dans une grave crise économique. A l’aube, il faisait arrêter les dirigeants civils avec lesquels il avait accepté de partager le pouvoir quand, en 2019, l’armée avait été forcée par la rue de déposer l’un des siens, le dictateur Omar Al-Bachir, après trois décennies au pouvoir.
A chaque mobilisation contre le coup d’Etat, la connexion Internet est interrompue dans le pays, comme c’est le cas ce mardi. Malgré tout, « des centaines d’élèves et d’étudiants sont sortis à Atbara », a indiqué à l’AFP Adel Mohammed, un résident de cette ville située à 350 km au nord de Khartoum. Les protestations se poursuivaient dans l’après-midi, malgré la répression qui a tué 118 manifestants en un an, selon des médecins prodémocratie.
Le Soudan nage dans l’incertitude. Aucun observateur n’imagine possible la tenue des élections promises à l’été 2023, aucune figure politique ne semblant jusqu’ici prête à rejoindre le gouvernement civil régulièrement promis par le général Bourhane, tandis que les médiations internationales n’ont pas abouti. Et l’aide internationale est cruellement nécessaire dans ce pays, l’un des plus pauvres au monde, où la situation économique est catastrophique.
Entre inflation à trois chiffres et pénuries alimentaires, un tiers des 45 millions d’habitants souffrent de la faim. C’est 50 % de plus qu’il y a un an, souligne le Programme alimentaire mondial (PAM). Le prix du panier alimentaire minimum a augmenté de 137 % en un an, forçant quasiment tous les foyers à « consacrer plus des deux tiers de leurs revenus à la nourriture », ajoute le PAM.
Vide sécuritaire
Outre les conditions de vie difficiles, de nombreux Soudanais s’inquiètent, trois ans après la « révolution » de 2019, du retour de la dictature islamo-militaire. Car depuis le putsch, plusieurs fidèles de M. Bachir, aujourd’hui en prison, ont retrouvé leurs postes, notamment à la Justice, qui mène actuellement le procès de l’ex-président.
Dans leurs appels à manifester, les militants ont promis que « les défilés du 25 octobre seront l’annonce de la fin de l’ère des putschistes et de la constitution d’un Soudan civil et démocratique ». Lundi, les ambassades occidentales ont appelé « les autorités à respecter le droit de rassemblement pacifique » et à « ne pas utiliser la force ».
Après le putsch, le vide sécuritaire en certains endroits a laissé prospérer les conflits tribaux, relèvent des experts. Ces combats à l’arme automatique, généralement pour l’accès à la terre et à l’eau, ont fait près de 600 morts et plus de 210 000 déplacés depuis le début de l’année, selon l’ONU. Lundi, des milliers de Soudanais ont manifesté dans la province du Nil bleu (sud), où 250 personnes ont été tuées la semaine dernière dans des combats tribaux.
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