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La gauche et les syndicats accusent le gouvernement et la droite de vouloir achever les 35 heures

La gauche et les syndicats accusent le gouvernement et la droite de vouloir achever les 35 heures


La présidente du groupe LFI, Mathilde Panot discute avec le député LFI, Manuel Bompard, à l’Assemblée nationale à Paris, le 11 juillet 2022.

La droite y voit un retour de la philosophie portée par Nicolas Sarkozy derrière le slogan devenu adage, « Travailler plus pour gagner plus ». La gauche y discerne, au contraire, un coup de sabot funeste aux 35 heures. En adoptant définitivement le projet de loi de finances rectificative (PLFR), jeudi 4 août, les députés et sénateurs ont entériné deux mesures faisant l’objet d’un fort dissensus politique : d’un côté la possibilité pour les employeurs de racheter les RTT de leurs employés jusqu’au 31 décembre 2025 (pour un plafond maximum de 7 500 euros), et de l’autre, le rehaussement pérenne du plafond de défiscalisation des heures supplémentaires (de 5 000 à 7 500 euros).

C’est sous la pression des députés Les Républicains (LR) dans un Hémicycle où il ne dispose que d’une majorité relative que le camp présidentiel, à la recherche de compromis et favorable à l’esprit des dispositions, a donné son feu vert. Au Sénat, les élus de droite ont tenté d’aller plus loin en pérennisant les deux dispositifs, pourtant limités aux années 2022 et 2023 dans la première version votée à l’Assemblée. Après l’adoption de ces modifications en séance, ils sont ressortis gagnants du compromis trouvé mercredi en commission mixte paritaire.

Des mesures défendues de longue date par la droite

La monétisation des RTT et la défiscalisation des heures supplémentaires, inscrites au programme présidentiel de Valérie Pécresse au printemps, appartiennent à la feuille de route idéologique de la droite. En 2007, sept ans après la mise en œuvre des lois Aubry sur la réduction de la durée légale du temps de travail à 35 heures, Nicolas Sarkozy s’était ainsi fait l’apôtre de la défiscalisation des heures supplémentaires, avant que la mesure ne soit supprimée par François Hollande – puis réintroduite par Emmanuel Macron en 2019.

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Tout au long des discussions, arguant que ces mesures permettaient de revaloriser le travail et d’accorder aux salariés un gain de pouvoir d’achat, les élus LR ont donc joué de leur voix pour imprimer leur marque. « On assume parfaitement de mettre un coin dans les 35 heures », a ainsi lancé lundi 1er août la sénatrice Christine Lavarde (Hauts-de-Seine). Le chef de file des sénateurs LR Bruno Retailleau a, lui aussi, avancé que « les 35 heures ne sont certainement pas un gain et une avancée sociale pour tout le monde », quand la députée Véronique Louwagie (Orne) s’est félicitée jeudi du « retour du “Travailler plus pour gagner plus”, cher aux Républicains », « pour que le travail rapporte toujours plus que l’assistanat ».

« Coup de force » visant à « tuer les 35 heures »

A gauche, le tollé a été conséquent. Dénonçant un « coup de force » sans concertation syndicale visant « à tuer les 35 heures », les élus estiment que ces deux dispositifs servent de prétexte au gouvernement pour contourner la question de la revalorisation des salaires, qu’ils ont pourtant portée en vain durant les débats.

« Parce qu’ils voudront maintenir à tout prix leur pouvoir d’achat et parce que vous leur refusez une augmentation des salaires, [les salariés] n’auront d’autre choix que de renoncer à leur temps de repos », a fustigé la députée socialiste Christine Pires Beaune (Puy-de-Dôme) jeudi. « C’est aussi une attaque au financement de notre modèle social puisque les mesures prévoient des exonérations de cotisations sociales et d’impôt », souligne le député écologiste Julien Bayou (Paris).

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Le sénateur socialiste Rémi Féraud (Ile-de-France) critique de ce fait une « sarkozisation très assumée de la politique d’Emmanuel Macron » qui, selon lui, « ouvre la boîte de Pandore de la régression sociale ». Son collègue de l’Assemblée Mickaël Bouloux (Ille-et-Vilaine) a prévenu en séance que des élus de la Nupes saisiraient le Conseil constitutionnel sur les RTT afin de vérifier la conformité de « la modification du code du travail au sein d’une loi de finances » qu’ils mettent en doute.

« Vieilles recettes »

Du côté des syndicats, la colère est semblable. « Au lieu de vouloir peser sur les politiques salariales des entreprises, de poser l’enjeu du partage de la valeur produite, de considérer les évolutions du travail et son intensification, le Parlement nous sert de vieilles recettes », a regretté le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, dans un tweet.

La CGT a, elle, critiqué, dans un communiqué publié jeudi, le « recours à la monétisation des RTT », qui pose « plusieurs questions », dont celle de « la remise en cause de la durée légale du temps de travail », « dans un contexte où de nombreuses luttes dans les entreprises sont menées pour travailler moins mais tou.te.s et mieux ».

Regrettant, lui aussi, « la remise en cause des 35 heures », Frédéric Souillot, secrétaire général de Force ouvrière, a questionné la portée de la mesure, jeudi sur RTL : « Combien de salariés vont être touchés ? Ceux qui sont en forfait jour n’y auront pas droit. [Ceux de] toutes les entreprises où il y a un compte épargne temps n’y auront pas droit non plus. »

Mais dans le camp présidentiel, ces accusations sont renvoyées à de « faux procès ». « Le rachat des RTT, c’est une faculté, ce n’est pas une obligation. Nous ne modifions en rien la durée légale hebdomadaire du travail qui reste à 35 heures », a ainsi tenté de rassurer le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, jeudi devant les députés.

Pour Jean-René Cazeneuve, rapporteur général du texte, « c’est risible de ressortir le coup des 35 heures », alors que ces mesures « répondent à une demande des Français », s’inscrivent dans le cadre du droit du travail et comprennent « des garde-fous pour éviter tout abus ».

Il souligne que pour le rachat de RTT, « le double consentement de l’employeur et du collaborateur est nécessaire », tandis que pour les deux dispositifs le « plafond maximum de conversion de temps en argent est fixé à 7 500 euros ». Soulignant les insuffisances du paquet pouvoir d’achat en matière salariale, les syndicats appellent à la mobilisation générale le 29 septembre.

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