Au lendemain de la condamnation à neuf ans d’emprisonnement de la star américaine du basket féminin Brittney Griner, la Russie a dit vendredi 5 août être « prête » à discuter d’un échange de prisonniers avec les Etats-Unis. La joueuse, condamnée par un tribunal russe dans une affaire controversée de « trafic de drogue », s’est retrouvée malgré elle plongée dans la crise géopolitique entre Washington et Moscou, en plein conflit en Ukraine.
Le président américain, Joe Biden, a qualifié jeudi d’« inacceptable » la condamnation de la double championne olympique âgée de 31 ans, les Etats-Unis accusant Moscou d’instrumentaliser son cas pour arracher des concessions à Washington. L’administration américaine affirme depuis plusieurs jours avoir soumis au Kremlin une proposition pour obtenir la libération de Mme Griner, mais la diplomatie russe répétait qu’un échange ne pourrait être évoqué qu’une fois le verdict tombé.
Une première discussion
« Nous sommes prêts à discuter de ce sujet, mais seulement dans le cadre du canal [diplomatique] qui a été convenu par les présidents Poutine et Biden », a dit le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, lors d’un déplacement au Cambodge. Le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a précisé que ce canal de communication spécifique pour négocier les échanges de prisonniers avait fait l’objet d’un accord entre MM. Biden et Poutine lors de discussions à Genève l’an dernier.
Sans succès, la Maison Blanche a « exhorté » jeudi la Russie à accepter son « offre sérieuse » d’échanges pour rapatrier Mme Griner. Le chef de la diplomatie américaine, Antony Blinken, qui avait déjà eu, la semaine dernière, des pourparlers avec M. Lavrov au sujet d’un échange, a déclaré vendredi que les Etats-Unis allaient « continuer » à en discuter avec la Russie. Il a aussi estimé que la condamnation de Mme Griner illustrait « l’utilisation par le gouvernement russe de détentions illégitimes pour faire avancer ses intérêts en utilisant des individus comme des pions politiques ».
Arrêtée avec du liquide de vapoteuse à base de cannabis.
Brittney Griner, considérée comme l’une des meilleures joueuses de basket au monde, a été condamnée jeudi à neuf ans de prison pour trafic de drogue par un tribunal de Khimki, près de Moscou. Cette lourde peine de prison a soulevé une vague d’indignation, notamment dans le monde du sport. Elle avait été arrêtée en février dans un aéroport de Moscou avec du liquide de vapoteuse à base de cannabis. Elle a reconnu avoir été en possession de cette substance, affirmant toutefois l’avoir apportée en Russie par inadvertance et l’utiliser légalement aux Etats-Unis comme antidouleur.
Elle était venue en Russie pour jouer pendant l’intersaison américaine, une pratique courante pour les basketteuses de WNBA, qui gagnent souvent mieux leur vie à l’étranger qu’aux Etats-Unis. La sportive fait partie de plusieurs citoyens américains actuellement détenus en Russie et dont Washington veut obtenir la libération.
Washington a déclaré la semaine dernière avoir fait une offre « importante » et « sérieuse » pour obtenir le retour de Mme Griner et de Paul Whelan, un Américain qui purge une peine de seize ans de prison en Russie pour « espionnage ».
Selon plusieurs médias américains, il s’agirait d’échanger un célèbre trafiquant d’armes russe détenu aux Etats-Unis, Viktor Bout, contre Brittney Griner et Paul Whelan. M. Bout, arrêté en Thaïlande en 2008 et qui purge une peine de vingt-cinq ans de prison aux Etats-Unis, est surnommé le « Marchand de mort ». Son parcours hors du commun a été l’une des inspirations du film Lord of War, dans lequel Nicolas Cage interprète un trafiquant d’armes cynique.
La femme du marchand d’armes, Alla Bout, a d’ailleurs dit jeudi espérer un échange, exprimant sa « compassion » envers les proches de Brittney Griner. « Que Dieu fasse en sorte que nos pays trouvent une entente », a déclaré Mme Bout à l’agence de presse RIA Novosti.
Ni la Russie ni les Etats-Unis n’ont confirmé, et Moscou insiste sur son désir de garder les négociations confidentielles, s’agaçant des déclarations faites par des responsables américains. « Si les Américains décident encore de se lancer dans une diplomatie publique et de faire des déclarations retentissantes (…) c’est leur affaire, et même leur problème », a dit vendredi M. Lavrov, estimant que Washington « n’arrive pas » à travailler « calmement et de façon professionnelle » sur de nombreux sujets.