La Corée du Nord a affirmé lundi avoir simulé des frappes « nucléaires tactiques » ces deux dernières semaines, personnellement supervisées par le dirigeant Kim Jong Un, en réponse à la « menace militaire » posée selon elle par les États-Unis et leurs alliés dans la région.
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Le régime de Pyongyang a procédé depuis le 25 septembre à sept lancements de missiles balistiques, dont l’un a survolé le Japon pour la première fois depuis 2017. Et la communauté internationale s’attend à ce que la Corée du Nord effectue prochainement un essai nucléaire, ce qui serait également une première en cinq ans.
Le dirigeant nord-coréen a fait de l’acquisition d’armes nucléaires tactiques sa priorité numéro 1 en janvier 2021 et promis, fin avril, de développer les forces nucléaires du pays « à la plus grande vitesse possible ».
Pyongyang a révisé sa doctrine nucléaire le mois dernier, esquissant un large spectre de scénarios au cours desquels le pays pourrait utiliser ses armes atomiques, affirmant que le statut de puissance nucléaire du pays est « irréversible » et mettant fin à la possibilité de pourparlers sur son arsenal.
Face à cette menace croissante, les États-Unis, la Corée du Sud et le Japon ont intensifié leur coopération militaire, menant ces dernières semaines de vastes exercices navals et aériens autour de la péninsule coréenne.
Mais ces manœuvres conjointes sont perçues par Pyongyang comme la répétition générale d’une invasion de son territoire.
« Simulation d’une guerre réelle »
En réponse, « les unités de l’Armée populaire coréenne (APC) chargées de l’utilisation des armes nucléaires tactiques ont organisé des exercices militaires du 25 septembre au 9 octobre afin de vérifier et d’évaluer la capacité de dissuasion et de contre-attaque nucléaire du pays », a affirmé lundi l’agence officielle KCNA.
Ces essais de tirs de missiles balistiques étaient « la simulation d’une guerre réelle », selon KCNA. Ils ont notamment consisté en une « simulation de chargement d’ogives nucléaires tactiques » sur un missile qui a ensuite été lancé depuis un silo situé sous un lac artificiel du nord-ouest du pays le 25 septembre.
Kim Jong Un « a dirigé les exercices militaires sur place », selon KCNA. Des photos publiées par les médias d’État le montrent vêtu d’une chemise blanche, donnant des instructions à des soldats.
Le dirigeant, également photographié regardant des missiles s’élever dans le ciel, a rejeté l’idée de reprendre les pourparlers, déclarant que la Corée du Nord « n’en ressentait pas la nécessité », a rapporté KCNA.
D’autres essais menés les jours suivants ont consisté, entre autres, à simuler la « neutralisation d’aéroports » en Corée du Sud, la « frappe des principaux centres de commandement » et « des principaux ports ennemis », selon KCNA.
Quant au projectile qui a survolé le Japon le 4 octobre, il s’agissait d’un « nouveau type de missile balistique sol-sol à portée intermédiaire », a affirmé l’agence.
Des photos officielles montrent Kim Jong Un suivant les données de vol du missile. Ce tir visait à « envoyer un avertissement plus puissant et plus clair aux ennemis », selon KCNA.
Spirale
« Ils cherchent à se doter d’une arme nucléaire tactique, c’est certain », a estimé Ankit Panda, analyste en sécurité aux États-Unis.
L’affirmation de Pyongyang selon laquelle ses tirs sont une « réponse » aux exercices américano-sud-coréens fait partie d’une « dynamique en spirale familière » sur la péninsule coréenne, a-t-il ajouté.
« Je crains que ce ne soit le début d’une dynamique dangereuse sur la péninsule coréenne, où nous avons une âpre rivalité entre deux États et chacun est fortement incité à tirer le premier en cas de crise grave », selon lui.
« Nous n’avons pas non plus de réels moyens de retenue négociée ou de lignes directes pour gérer les crises », a-t-il déclaré à l’AFP.
La Corée du Nord a également affirmé avoir mené « une simulation d’attaque aérienne combinée de grande échelle » impliquant « plus de 150 avions », et elle aussi supervisée par Kim Jong Un.
Jeudi, Séoul a indiqué avoir fait décoller 30 de ses avions de chasse après avoir détecté 12 appareils nord-coréens volant en formation et menant des exercices de tir près de la frontière intercoréenne.
Les déclarations de KCNA sur ses récents essais – qui sont inhabituelles, les médias d’État ne commentant plus systématiquement les lancements – semblent indiquer que Pyongyang s’inquiète des récents exercices conjoints dirigés par les États-Unis, selon les analystes.
« Cela peut être le signe avant-coureur d’un prochain essai nucléaire pour le type d’ogive tactique qui armerait les unités que Kim a visitées », a affirmé Leif-Eric Easley, professeur à l’Université Ewha de Séoul.
De nombreux experts et responsables à Séoul et Washington estiment par ailleurs que la Corée du Nord a achevé les préparatifs pour un nouvel essai nucléaire, qui serait le septième de son histoire.
« Nous devons prendre plus au sérieux le fait que la possibilité d’une guerre nucléaire dans la péninsule coréenne a augmenté », a déclaré à l’AFP Lim Eul-chul, professeur à l’Université Kyungnam.