Au-delà des postures politiques adoptées lors du rejet par le Sénat de l’accord économique et commercial global entre l’Union européenne (UE) et le Canada (AECG, ou CETA dans son acronyme anglais), les controverses ont révélé une fatigue et un malaise qui dépassent largement le seul CETA. La fatigue est celle d’un modèle d’accords reposant sur un échange d’accès au marché, dans lequel l’agriculture fait souvent office de monnaie d’échange contre les gains espérés pour les industries exportatrices les plus performantes. Le malaise procède de l’inquiétude grandissante quant à la capacité de l’Union à soutenir son ambition réglementaire, notamment sociale et environnementale, dans le contexte d’une concurrence internationale exacerbée.
Ces préoccupations sont légitimes dans leur principe. Mais elles sont aussi biaisées, parce qu’elles négligent les enjeux de l’ouverture commerciale et des menaces concurrentielles. On en oublierait presque que le commerce extérieur de produits agricoles et agroalimentaires est excédentaire pour la France comme pour l’Union, cette dernière dégageant également un excédent pour l’ensemble des marchandises. Ce n’est pas en se repliant sur ses frontières que la filière bovine européenne se refera une santé : l’Union est exportatrice nette ! De fait, la concurrence extra-européenne est souvent un coupable commode pour éviter d’affronter les questions de fond, par exemple sur la répartition des aides agricoles ou leur compatibilité avec les ambitions écologiques.
Ce constat ne règle en rien la question de l’opportunité d’un accord, mais il rappelle que l’on ne peut pas avoir l’excédent commercial sans la concurrence, pas plus que la protection sans la réciprocité, ni l’influence sans l’ouverture. Autrement dit, les seules préoccupations défensives ne sauraient présider aux choix de politique commerciale. C’est d’un autre débat dont nous avons besoin, alors que l’Union est aujourd’hui confrontée à une multitude de défis : ruptures technologiques, tensions géopolitiques ou urgence climatique.
Résister aux pressions
Si la montée des tensions n’a pas empêché la croissance du commerce mondial jusqu’ici, c’est notamment parce que la logique économique de la division du travail est puissante dans les secteurs technologiques ; plus personne aujourd’hui ne peut, par exemple, produire des semi-conducteurs de pointe sur une seule base nationale. Difficile, dans ce contexte, de prétendre rester au niveau des meilleurs sans faciliter les approvisionnements et les débouchés extérieurs. Le repli n’est pas une solution.
Il vous reste 53.44% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.