Un enjeu sportif crucial, un contexte politique brûlant : l’Iran et les États-Unis, sans relations diplomatiques depuis 1980, s’affrontent mardi à Doha avec à la clé une qualification pour les huitièmes de finale du Mondial 2022 au moment où la République islamique est secouée par des manifestations sans précédent. Près d’un quart de siècle après le match entre les deux pays lors de la Coupe du monde 1998 en France placé sous le signe du dégel et d’une certaine réconciliation, c’est dans un tout autre climat qu’Iraniens et Américains vont se retrouver au Qatar.
La publication d’un drapeau iranien a relancé les tensions
La tension est extrême en Iran, théâtre d’un mouvement de contestation à la suite de la mort le 16 septembre de la jeune Mahsa Amini, arrêtée par la police des mœurs à Téhéran pour avoir, d’après celle-ci, ne pas avoir respecté le code vestimentaire strict imposé par le régime. Et les autorités sont à fleur de peau à l’approche d’un choc à forte portée symbolique et géopolitique face aux Etats-Unis, bête noire du pouvoir iranien.
La publication par la Fédération américaine de football (USSF) sur les réseaux sociaux d’un drapeau iranien sans l’emblème représentant le mot Allah n’a ainsi pas manqué de provoquer la colère de son homologue iranienne qui a dénoncé « un acte non professionnel » et demandé à la Fifa « qu’elle adresse un sérieux avertissement » à l’USSF.
Y aura-t-il des scènes de fraternisation sur la pelouse, comme en 1998 ?
Un responsable de la communication de la Fédération américaine a expliqué qu’il s’agissait d’un geste « ponctuel pour montrer notre solidarité avec les femmes en Iran ». Le drapeau en question a ensuite été retiré, pour remettre celui de la République islamique, mais l’épisode témoigne de l’atmosphère pesante qui entoure la rencontre. Dans ces conditions, y aura-t-il des scènes de fraternisation entre les joueurs des deux sélections avant le coup d’envoi, comme en 1998 ?
Contestée comme jamais sur le plan intérieur, la République islamique semble en tout cas vouloir tirer profit des succès de la « Team Melli », au risque d’accentuer les divisions internes. Sur les réseaux sociaux ont été diffusées des images des forces antiémeutes, qui mènent une répression sanglante contre les contestataires, manifestant leur joie après la victoire face au Pays de Galles (2-0), vendredi. Le Guide suprême Ali Khamenei a lui exprimé sa satisfaction sur Twitter, expliquant que les joueurs avaient « rendu la nation iranienne heureuse ».
Un enjeu sportif crucial pour les deux équipes
Dans ce contexte, les entraîneurs des deux équipes se sont employés lundi à circonscrire ce duel à sa dimension sportive. « Le match sera très disputé parce que les deux équipes voudront la qualification à tout prix, pas en raison des relations entre nos pays. On est des joueurs de foot, on est ici pour la compétition et c’est tout », a ainsi déclaré le sélectionneur US Gregg Berhalter.
Interrogé pour savoir s’il allait se servir de l’incident du drapeau comme levier pour motiver ses troupes, le patron de la « Team Melli », le Portugais Carlos Queiroz, s’en est sorti par une pirouette. « Si après 42 ans de carrière, j’étais persuadé que je pouvais gagner des matches avec ce genre de guerre psychologique, je n’aurais rien compris à ce sport », a-t-il lancé.
Car au-delà de la confrontation politique entre les deux pays, l’enjeu sportif est suffisamment important pour rendre à lui seul la partie irrespirable. L’Iran est en quête de la première qualification de son histoire pour les huitièmes de finale. Un nul lui suffira. Les Américains, hôtes de la prochaine Coupe du monde en 2026 avec le Canada et le Mexique, doivent absolument l’emporter pour atteindre le tour suivant.
La sélection perse a réussi à se réveiller après une déroute d’entrée contre l’Angleterre (6-2) et a le moral au plus haut depuis son succès acquis dans les arrêts de jeu vendredi face au pays de Galles (2-0). L’équipe US, solide mais sans génie, reste sur deux nuls en deux sorties. Les jeux sont donc très ouverts et indécis.