« Contrat de confiance rompu », « mensonges », « enfumage », « climat nauséabond », « honte »… Le maire de Saint-Etienne, Gaël Perdriau (Les Républicains), a refusé de démissionner lundi au terme d’un conseil municipal houleux, marqué par des attaques virulentes des élus d’opposition qui lui reprochent ses liens dans l’affaire de chantage politique à la « sextape » qui secoue la ville depuis un mois.
« Cette histoire vise à me détruire », s’est défendu l’élu de 50 ans, visiblement tendu, à l’ouverture des débats devant son assemblée municipale, devant un public et des médias venus en nombre. « La chasse à l’homme est ouverte (…), certains n’ont pas la patience d’attendre que la justice fasse son travail (…), la tentation est trop forte de tenter d’achever un homme pris dans une tempête médiatique qui écrase tout », a-t-il dit dans un silence pesant.
La ville de 175 000 habitants est agitée depuis la fin d’août par cette affaire de vidéo intime qui a suscité une plainte pour chantage de l’ancien premier adjoint centriste Gilles Artigues, absent des débats lundi « sur les conseils de son médecin », comme l’a souligné l’un des conseillers centristes.
« Chaque jour qui passe abîme notre ville »
« Je ne demande qu’une chose à mes collègues, de continuer à travailler comme ils l’ont toujours fait depuis le début du mandat, et à vous, comme aux autres, de respecter la présomption d’innocence », avait prévenu le maire lors d’un point de presse précédant la première réunion du conseil municipal depuis que l’affaire a éclaté.
Pendant deux heures, les élus de gauche (12 sièges sur 59) et l’un des quatre élus de l’UDI ont pourtant donné de la voix pour tenter de convaincre Gaël Perdriau, maire de Saint-Etienne depuis 2014, de démissionner, tandis que sa majorité restait silencieuse, préférant « ne pas s’exprimer » sur un dossier en cours d’instruction.
« Chaque jour qui passe abîme notre ville et alimente le terreau du “tous pourris” », s’est inquiété Pierrick Courbon, le chef de file de la gauche. « Les vrais faux départs, ça ne suffit pas », a-t-il lancé, alors que Gaël Perdriau s’est déjà mis en congé de la présidence de la métropole.
« Vous n’avez plus de légitimité morale », a affirmé le communiste Michel Nebout en accusant Gaël Perdriau de « s’accrocher à son poste ». « Partez !… Vous aviez demandé le retrait de François Fillon » sans attendre le résultat de l’instruction judiciaire, quand le candidat de droite à la présidentielle de 2017 s’engluait dans des accusations de népotisme et de corruption, a renchéri le centriste Lionel Boucher : « Pourquoi ne pas vous l’appliquer à vous-même ? ».
Le groupe municipal de gauche puis les deux élus communistes ont tour à tour quitté la séance en refusant de participer aux délibérations.
Manifestation et « pot de départ » devant la mairie
Le scandale a poussé le maire à limoger son directeur de cabinet la semaine dernière, tandis que l’un de ses adjoints, nommément accusé d’avoir tourné une vidéo compromettante pour neutraliser politiquement M. Artigues, présentait sa démission. Les trois hommes ont été placés en garde à vue à la mi-septembre après les confessions d’un ancien proche de la mairie au site Mediapart, qui accusait le maire et son entourage d’avoir fomenté ce « barbouzage de mœurs » en le rétribuant par la facturation de prestations fictives au nom deux associations culturelles subventionnées par la mairie.
Lundi, le maire a à nouveau répété qu’il n’avait « jamais eu, jamais vu, jamais utilisé » cette vidéo où l’on voit Gilles Artigues se faire masser par un homme dans une chambre d’hôtel à Paris, en janvier 2015. « Dire ce que vous me dites, c’est me condamner et ne pas respecter la présomption d’innocence », a-t-il lancé à l’opposition.
Son image a cependant été ternie par des enregistrements audio accablants diffusés par Mediapart, abondamment cités par les élus de l’opposition pendant les débats. On entend Gaël Perdriau parler de cette vidéo avec son ex-premier adjoint, évoquant une diffusion « en petit cercle, avec parcimonie », dans une conversation datant de juillet 2018, selon Mediapart. « Une fois que c’est sur les réseaux, ce n’est plus du chantage, c’est une exécution », dit-il dans un autre enregistrement datant de novembre 2017, toujours selon Mediapart.
Le conseil municipal s’est tenu alors qu’environ cent cinquante personnes dont des militants syndicaux manifestaient bruyamment devant l’hôtel de ville pour réclamer la démission du maire. Un collectif de Stéphanois « qui veulent en découdre » a aussi organisé un « pot de départ » pour lui en fin de journée.
L’association Triangle rose appelle à dénoncer le « climat ambiant nauséabond » où règnent « les attaques, les insultes et les rumeurs » liées à l’orientation sexuelle des personnes.