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Face au changement climatique, « la meilleure manière d’être fidèle à l’espoir de progrès est de mettre à distance le capitalisme industriel »

Face au changement climatique, « la meilleure manière d’être fidèle à l’espoir de progrès est de mettre à distance le capitalisme industriel »


La difficulté que nous avons tous à penser concrètement la possibilité même d’une rupture par rapport à nos conditions de vie actuelles est l’un des plus grands obstacles aux politiques nécessaires pour faire face au changement climatique. Quelle serait une vie désirable où nous émettrions, en moyenne, cinq fois moins de gaz à effet de serre ? Serait-ce seulement une vie sans viande, sans voyage, sans chauffage ni climatisation, une vie « sans », en quelque sorte ? La réalité présente, d’autant plus prégnante que le monde numérique s’invite à chaque instant dans nos vies, nous empêche de concevoir un monde différent qui pourrait orienter notre action. La pensée économique, qui imprègne plus que tout nos dirigeants, est dominée par l’idée qu’on ne peut améliorer le monde actuel que par des ajustements à la marge. Implicitement, elle suppose que nous faisons aujourd’hui le meilleur usage possible de nos ressources, ou presque, et que l’amélioration ne peut résider que dans l’innovation technique, c’est-à-dire faire plus avec les mêmes ressources.

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C’est pour tenter d’échapper à ces obstacles mentaux qu’une session des Journées de l’économie de Lyon (15-17 novembre) s’intéressait aux « bifurcations » (d’ailleurs titre de l’ensemble de l’événement), définies comme ces moments où plusieurs directions sont possibles, et où un choix est nécessaire. Mathématicien spécialiste des théories du chaos, Ivar Ekeland a d’abord montré que des outils mathématiques nous aident à penser que, dans certaines situations, le refus de bifurquer et l’obstination à n’effectuer d’ajustements que marginaux peuvent déboucher sur des effondrements catastrophiques, sur des équilibres irréversiblement bien pires que la situation initiale.

L’historien Quentin Deluermoz a expliqué la logique et la difficulté du raisonnement contrefactuel, celui par lequel un historien reconstruit une réalité alternative qui « aurait pu arriver » dans un contexte historique précis. Malgré le poids des déterminismes multiples, il existe des situations dans lesquelles des choix ou des accidents peuvent déboucher sur plusieurs avenirs différents, et donc qu’on peut échapper aussi bien au sentiment d’absurdité du quotidien qu’à l’affirmation répétée qu’« il n’y a pas d’alternative ». L’historien a évoqué des exemples : la Grande Guerre, rendue probable par des évolutions structurelles mais déclenchée par des causes immédiates minimes et sans doute évitables, ou des étapes de la Révolution française.

Visions dépassées

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