Un motocycliste d’origine française qui a tué sa passagère alors qu’il conduisait ivre a écopé d’une peine de deux ans de détention, au terme de laquelle il sera expulsé du pays, loin de son enfant.
« Il avait le choix, il a choisi de partir en moto, sachant très bien que ses facultés étaient affaiblies. Je ne comprendrai jamais les gens qui conduisent ivres, et qui au final, brisent des vies », a laissé tomber Nathalie Richer, juste avant que l’accusé qui a causé la mort de sa fille de 27 ans prenne le chemin de la prison.
Le 19 mai 2019, Jacques-Jean Sorgniard travaillait comme serveur dans un bar de Val-David. Il a consommé de l’alcool toute la soirée, soit environ de 20 h à 4 h.
Après la fermeture de l’établissement, en pleine nuit, il a malgré tout décidé d’enfourcher sa motocyclette Yamaha pour faire une balade, en compagnie de Carolane Gaudreault-Richer, une des clientes du bar avec qui il venait de festoyer.
À peine 15 minutes plus tard, il a mal négocié un virage. Sorgniard et sa passagère ont été projetés dans un fossé rempli d’eau. Gravement blessés, ils y sont restés coincés pendant près de 9 heures avant qu’ils soient repérés par un passant.
La jeune femme y est morte noyée.
Puisqu’elle n’avait aucun papier d’identité sur elle et que M. Sorgniard était dans un état lamentable, les autorités ont eu bien du mal à identifier Carolane Gaudreault-Richer.
« Le lendemain, son conjoint était inquiet parce qu’il n’avait pas de nouvelles d’elle. C’est en lisant le soir un article de journal sur l’accident que j’ai compris que c’était ma fille qui était impliquée », a confié au Journal Nathalie Richer.
Déporté en France
Longuement hospitalisé pour des blessures, notamment aux jambes, Jacques-Jean Sorgniard a été arrêté plus d’un an et demi après le drame.
L’enquête a démontré qu’il avait près du double de la limite d’alcool permise dans le sang lorsqu’il a perdu le contrôle de sa moto.
L’homme âgé de 37 ans a été condamné le mois dernier, au palais de justice de Saint-Jérôme, à une peine de prison de deux ans moins un jour. Mais celui qui est devenu père quatre jours après cette sortie de route fatale a écopé de bien plus qu’une sentence derrière les barreaux.
Sans citoyenneté canadienne, l’homme originaire de France sera aussi automatiquement expulsé du pays, loin de son garçon de trois ans, puisqu’il a été reconnu coupable d’un crime de grande criminalité.
« À sa sortie de prison, il sera attendu par des gens de l’immigration, pour être envoyé au Centre de détention d’immigration canadienne. Et dans les jours qui vont suivre, il va être déporté en France », a dit son avocat, Me Luc Carbonneau.
Il lui sera ensuite interdit de remettre les pieds au pays avant cinq ans.
Morts évitables
« Il doit vivre avec plusieurs conséquences pour quelqu’un qui n’a pas un profil de criminel. C’est un bon exemple qui montre que cela pourrait arriver à n’importe quel individu qui se pense correct pour conduire », a commenté le criminaliste.
Le procureur de la Couronne, Me Alexis Marcotte Bélanger, a pour sa part tenu à dénoncer le fléau qu’est l’alcool au volant.
« On rêve tous du jour où des dossiers semblables ne seront plus devant les tribunaux. Alcool et conduite ne vont pas ensemble, il faut que le message passe », a-t-il martelé à la juge Sandra Blanchard, qui a entériné la sentence.
Il demande pardon aux proches de la victime
Quelques instants avant d’être envoyé en prison, un motocycliste qui a tué sa passagère lors d’une virée sous l’effet de l’alcool a tenu à demander pardon à la famille de la victime, en pleine salle d’audience.
« Je pense à vous à chaque instant depuis. J’avais voulu prendre contact, on me l’a déconseillé », a déclaré Jacques-Jean Sorgniard, en se tournant vers les proches de Carolane Gaudreault-Richer, assis dans la salle d’audience.
Interrompu par la juge Sandra Blanchard, visiblement étonnée de cette façon de faire peu commune, il a expliqué avoir déjà abordé les proches de sa victime à l’extérieur de la salle d’audience, tenant à leur exprimer ses regrets.
« Je suis en colère »
La magistrate l’a ensuite laissé poursuivre, proposant même à la mère de la jeune femme de 27 ans décédée de s’approcher de l’accusé afin qu’elle puisse bien entendre ce qu’il avait à lui dire.
« Je suis en colère avec moi-même à chaque seconde. Je sais que j’ai fait le plus mauvais des choix. C’était important de mettre des visages sur ce qui me tourmente tous les jours et j’espère que cela pourra vous soulager un peu », a-t-il ajouté en pleurs.
Il a également confié être devenu père à peine quatre jours après le drame, et disait ainsi « avoir une petite idée », depuis, de l’impact d’une telle perte pour la famille.
Nathalie Richer, la mère de la victime, a avoué avoir été chamboulée par le fait de rencontrer celui qui a causé la mort de sa fille.
Pas prête à pardonner
« J’ai quand même apprécié qu’il le fasse, ça prend beaucoup de courage de faire face aux gens de qui il a brisé la vie. Ça m’a permis de voir la culpabilité qu’il ressent, il ne s’en fout pas », a-t-elle dit.
Malgré tout, « cela n’efface pas son geste », a insisté celle qui se dit pour l’instant incapable de pardonner.
Surtout que malgré les années qui ont passé, elle peine à surmonter cette épreuve.
Elle se désole qu’on lui ait enlevé le bonheur de voir s’épanouir sa fille, qui travaillait nouvellement comme cheffe cuisinière après avoir étudié dans le domaine.
« Elle parlait de se marier, avoir un enfant. Je dois faire le deuil de celle qu’elle aurait été », a-t-elle soufflé.