Dans un domaine comme la dissuasion où chaque mot compte, ceux prononcés par Emmanuel Macron, mercredi 12 octobre, sur France 2, où le chef de l’Etat a notamment été interrogé sur la riposte éventuelle de la France en cas de frappe nucléaire tactique russe sur le théâtre ukrainien, suscitent depuis deux jours un certain nombre d’interrogations, en particulier au sein des milieux spécialisés.
« La France a une doctrine nucléaire, et notre doctrine repose sur les intérêts fondamentaux de la nation, et ils sont définis de manière très claire », a commencé par rappeler le chef de l’Etat. La notion d’« intérêts fondamentaux » relevant plutôt de la sécurité intérieure, il commet ici, dans cette première partie de réponse, une imprécision surprenante, la doctrine française parlant plutôt d’« intérêts vitaux ». Ceux-ci ne sont, par ailleurs, pas précisément définis, par nécessité, justement, d’entretenir l’ambiguïté, donc la force de la dissuasion.
Mais c’est surtout la deuxième partie de la réponse de M. Macron qui sème le doute depuis mercredi. A propos de ces intérêts vitaux, le chef de l’Etat a poursuivi : « Ce n’est pas du tout cela qui serait en cause s’il y avait par exemple une attaque balistique nucléaire en Ukraine ou dans la région. » « Cela n’appellerait pas une réponse nucléaire ? », le relance alors la journaliste Caroline Roux, interloquée. « D’évidence, ce n’est pas notre doctrine aujourd’hui. Nous avons un cadre pour ce qui nous concerne », répond Emmanuel Macron, indiquant que ce serait seulement une « responsabilité historique » de la Russie.
Escalade verbale
Or, lors d’un discours fondateur sur la stratégie de défense et de dissuasion prononcé en février 2020 devant l’Ecole de guerre, M. Macron s’était attaché à définir cette fameuse notion. « Soyons clairs : les intérêts vitaux de la France ont désormais une dimension européenne », avait-il indiqué, marquant de son sceau la doctrine publique française.
Les propos tenus par M. Macron mercredi soir s’inscrivent dans le contexte d’une escalade verbale sur le sujet du nucléaire depuis le début de la guerre. Dans un jeu complexe mêlant le souci de montrer à Vladimir Poutine qu’il est pris au sérieux, la volonté de rassurer les pays européens qui dépendent du bouclier nucléaire américain au nom de la « dissuasion élargie », tout en essayant d’envoyer des mises en garde à la hiérarchie militaire russe, le président américain, Joe Biden, avait, par exemple, évoqué le 6 octobre le risque « d’apocalypse nucléaire ».
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