Flash-back. Quand il rentre à Bercy, le 17 février 2015, Emmanuel Macron se met au piano. Le ministre de l’économie de François Hollande, qui a besoin de passer ses nerfs, joue de manière déchaînée, sous les yeux désolés de son épouse Brigitte. Plus tôt dans la journée, le premier ministre, Manuel Valls, a déclenché l’article 49.3 de la Constitution pour faire voter le projet de loi « pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques », dit « projet de loi Macron ». Ce texte – le premier défendu par le ministre de 36 ans qui fait là ses armes parlementaires – vise à déverrouiller des pans de l’économie, de l’extension du travail du dimanche à la libéralisation du transport en autocar. Le Parti socialiste (PS) dispose pourtant d’une majorité absolue à l’Assemblée nationale mais une partie des députés frondeurs a l’intention de voter contre un projet jugé trop libéral.
Emmanuel Macron est furieux. A force de persuasion (et de séduction), il était parvenu à faire adopter tous les articles de son texte, un à un, enchaînant les débats en séance ou en commissions, cinq cents heures au total. C’est dans l’enceinte de la « commission spéciale » chargée d’examiner le texte, et autour de la fabrique de cette loi, que s’est forgé le macronisme.
Convaincu de la nécessité de revaloriser le Parlement, le jeune ministre voulait démontrer qu’il était possible de transformer en bâtissant des majorités de projet, dépassant le clivage droite-gauche et les postures afférentes, jugées stériles. « Ma conviction, c’est que beaucoup de choses pouvaient se faire dans l’intensité d’un débat parlementaire, c’est-à-dire dans le détail, en expliquant mesure par mesure », théorisait-il lui-même dans le documentaire Ainsi soit Macron, de Pierre Hurel, diffusé en mai 2017 sur France 3. « La guerre de position devient guerre de mouvement, poursuivait-il, les choses se déplacent, les gens finissent par réfléchir… J’ai vu des débats s’ouvrir. »
« Si ça marche, je t’appellerai Socrate ! »
A l’époque, les députés de la « commission spéciale » qui travaillent à ses côtés sont séduits par la démarche. C’est dans ce cénacle qu’Emmanuel Macron, encore novice en politique, rencontre ceux qui deviendront, par la suite, ses premiers « apôtres », ses affidés : Richard Ferrand (qui est alors le rapporteur général de la commission), Christophe Castaner, Arnaud Leroy, les trois futurs ministres macronistes Stéphane Travert, Brigitte Bourguignon et Joël Giraud, ou encore Corinne Erhel (aujourd’hui décédée) et Jean-Jacques Bridey, futur pilier de la majorité La République en marche (LRM), qui invite le ministre de François Hollande dans sa circonscription pour son tout premier meeting politique, le 19 mars 2015, à Fresnes (Val-de-Marne). « Si ça marche, je t’appellerai Socrate ! », lui lance le député Denys Robiliard, enthousiaste, à l’issue d’une séance de travail sur la « loi Macron ».
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