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derrière la manifestation en hommage à Lola, une association aux combats communs à l’extrême droite

derrière la manifestation en hommage à Lola, une association aux combats communs à l’extrême droite


A l’initiative de la manifestation organisée, jeudi 20 octobre, place Denfert-Rochereau à Paris, l’Institut pour la justice (IPJ) promet qu’il n’y sera pas question seulement de Lola, 12 ans, sauvagement assassinée le 14 octobre. « Nous allons évoquer l’affaire, mais nous ne ferons pas de cette petite le centre de la mobilisation », justifie Pierre-Marie Sève, délégué général de l’association, alors même que le hashtag #ManifPourLola apparaissait sur les premières affiches diffusées par l’IPJ, avant d’en disparaître. « Ce sera un rassemblement pour les victimes, pour toutes les victimes », assure M. Sève.

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La manifestation passe pourtant pour le premier hommage de masse à Lola, 12 ans, dont la mort a secoué l’opinion publique. Son histoire a aussi divisé un champ politique, dont l’association « indépendante », qui se présente comme un simple cercle de « défense des victimes » et de réflexion sur la justice, jure se tenir éloignée.

« Aucun politique, aucune personne politisée, ne prendra la parole ce soir », répète Pierre-Marie Sève. L’événement est largement relayé sur les réseaux sociaux par les proches et supporteurs d’Eric Zemmour, dont le parti Reconquête ! est le seul à faire collectivement le déplacement. « L’extrême droite ? C’est vrai qu’ils sont très proactifs, reconnaît le dirigeant de l’IPJ. Mais leur récupération nous dépasse. »

Zemmour, « premier du classement » de l’IPJ

L’IPJ connaît pourtant bien l’ancien journaliste du Figaro. Dans un comparateur des programmes publié sur son site à la fin de mars, l’association lui décerne la « mention spéciale de premier du classement », le candidat identitaire reprenant treize des trente mesures préconisées par l’« institut », parmi lesquelles l’expulsion des délinquants étrangers ou la suppression des aides sociales aux parents de délinquants.

« J’ajoute qu’Eric Zemmour, en personne, a reçu l’IPJ à son QG, il y a quelques mois pour une réunion de travail. Il est le seul candidat à avoir répondu à cette invitation », note l’IPJ sur son site. « Ils ont juste fait appel à nous, ils s’intéressaient à nos idées, on s’en félicite », répond Pierre-Marie Sève, qui renvoie vers les entretiens vidéo que lui ont aussi accordé dans la campagne, outre Eric Zemmour, Valérie Pécresse et Marine Le Pen. Sollicitée sur le travail réalisé avec l’IPJ, l’équipe d’Eric Zemmour n’a pas répondu à nos sollicitations.

Créée en 2007, l’association IPJ a toujours cherché les relais politiques à son combat contre une « justice laxiste » et pour l’instauration de lois plus répressives. Outre ses conférences, pétitions et mobilisations, l’organisme a vite abreuvé des élus de notes. Dès 2009, l’IPJ a tenté de peser sur l’écriture d’un projet de loi pénitentiaire. Jusqu’à organiser un colloque intitulé « La peine et son application, une justice à deux visages », dans les locaux de l’Assemblée nationale, sous le patronage de la garde des sceaux de l’époque, Michèle Alliot-Marie, et du député (UMP) Jean-Paul Garraud, rapporteur du texte.

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Passé au Rassemblement national, où il fait figure de référent justice, l’élu désormais eurodéputé se félicite encore d’avoir introduit l’IPJ : « Je suis un des premiers, si ce n’est le premier, à les avoir entendus de manière officielle au Parlement. Je leur ai donné une sorte de reconnaissance institutionnelle. » Mais pas question pour Jean-Paul Garraud d’en faire un partenaire idéologique : « L’IPJ se garde de tout parti pris. Après, ils parlent d’ordre, de défense sociale et de sécurité. Et si aujourd’hui on n’est pas dans le moule de générosité ambiante, on est forcément taxé d’être de droite ou d’extrême droite. »

« Symbole de l’extrême droite sécuritaire »

Pour asseoir sa légitimité dans le débat d’idées, l’IPJ brandit sa « publication scientifique » bisannuelle : la Revue française de criminologie et de droit pénal. Mais, depuis plus de dix ans, l’association s’est surtout fait connaître en rebondissant sur des faits divers à forts échos médiatiques et en multipliant les actions contre des gouvernements jugés trop permissifs. Dernière action, cette année : un appel, aux plus de 22 000 signatures revendiquées, à « poursuivre l’Etat français en justice, pour “inaction sécuritaire”, auprès du tribunal administratif de Paris ».

« Un think tank est une plate-forme de réflexion, de négociation politique, mêlant des gens qui ne parlent pas le même langage », définit Xavier Carpentier-Tanguy, professeur à Sciences Po spécialiste des think tanks :

« Avec l’IFP, on sent au contraire une structure fermée, sans véritables liens avec des organisations tierces, une cellule de coups et d’actions médiatiques. »

L’association se consacre en fait à la dénonciation de la « faillite de l’Etat », des « liens entre immigration et délinquance » et de ce qu’elle nomme le « gouvernement des juges ». Des prises de position qui embrassent les combats d’une partie de la classe politique.

« L’IPJ est le symbole d’une extrême droite identitaire et sécuritaire qui tente de trouver une dignité scientifique à ses obsessions idéologiques, tance l’ancien magistrat Antoine Garapon, secrétaire général de l’Institut des hautes études sur la justice. Il ne contribue en rien au débat d’idées, mais apporte seulement un vernis criminologique à l’exploitation de faits divers. »

Une « galaxie » conservatrice

« Nous ne sommes pas politiques, on veut juste faire passer nos messages », répond Pierre-Marie Sève, tout en maintenant le caractère « apartisan » de son association, comme de la manifestation de ce jeudi. « Ça fait un an ou deux qu’on se dit qu’il faut faire bouger les choses. Les victimes se succèdent, mais on les oublie aussi vite une fois le soufflé médiatique retombé. Là, on sent une vraie prise de conscience collective. »

Si l’IPJ maintient n’avoir aucun agenda politique, cette association s’inscrit au cœur d’une « galaxie » bien plus large, mise au jour par une enquête du Monde en 2019. Un agrégat de structures, partageant une vision conservatrice et économiquement libérale de la société, fondées ou dirigées par les membres ou les proches d’une même famille : les Laarman. Vincent Laarman, neveu du patriarche de la famille, François, compte parmi les fondateurs de l’IPJ.

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Qu’elles investissent l’école (SOS éducation, épinglée par la Cour des comptes en 2020), les impôts (Contribuables associés), les retraites (Sauvegarde retraites) ou la santé alternative (Santé nature innovation), ces structures bénéficient ensemble de plusieurs millions d’euros de dons annuels et creusent leur sillon à coups de marketing agressif. « L’IPJ reproduit le même schéma d’action que les autres entités, confirme le chercheur Xavier Carpentier-Tanguy. Chacune vise sa cible médiatique, tente de verrouiller un espace de réactions, au service d’une entreprise idéologique plus large. »

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