Leurs parties communes se comptent en hectares. Leurs AG ne tournent pas autour de l’entretien du local à poubelles, du ravalement de façade ou des nuisances sonores des voisins du 4e. On y cause plutôt maintien d’un couvert forestier, régénération naturelle, feuillus ou résineux. On y fait le tour du propriétaire, en plein air, chaussé de bottes, sur les pas d’un expert ès arbres qui inspecte troncs, acidité du sol, pénétration de la lumière dans la canopée… Plus bucolique que l’inventaire des fissures du plafond de la cage d’escalier !
Au lieu d’investir dans la pierre, de placer leur épargne dans une assurance vie, ou de la laisser dormir à la banque, des particuliers choisissent d’acheter en commun des forêts, pour les protéger et les gérer de façon durable, en se réunissant en groupements forestiers citoyens. Le Cerf vert, La Forêt hospitalière, Green Forest, Les Grands Pins, ces collectifs aux appellations sylvestres se multiplient depuis deux ans. En 2021, il en existait à peine une dizaine sur le territoire, ils sont près du triple aujourd’hui. Sans compter les projets en cours.
Installés en Dordogne, Marie-Annick Villette et Jean-Marie Menant, 63 et 66 ans, tous deux retraités de l’éducation nationale, ne s’imaginaient pas en propriétaires de sous-bois. Avec humour, Jean-Marie résume : « Je suis originaire de La Rochelle en Charente-Maritime, une région où il n’y a pas de forêts. Quant à mes connaissances sylvestres, elles étaient celles d’un ancien instit abonné à La Hulotte [une revue naturaliste]. »
Depuis un an pourtant, le couple détient un bout de forêt dans le Périgord, un achat qui a sacrément fait virer au vert sa bibliothèque. « Etre un chêne, de Laurent Tillon, Le Temps des forêts, d’Adrien Favre, énumère Marie-Annick, c’est vrai que nos lectures sont un peu orientées. On a envie de comprendre ce qui se joue dans ces espaces naturels. C’est passionnant, on ne regarde plus les arbres, même ceux de notre jardin, de la même façon. »
Engagement pour cinq à huit ans
Comme eux, la plupart de ces nouveaux forestiers sont des néophytes de la sylviculture, qui trouvent dans l’achat groupé un moyen accessible d’agir pour préserver la diversité d’un écosystème, à la fois menacé par le réchauffement climatique et par une exploitation intensive de ses ressources.
« Pendant longtemps, on a voulu croire que les forêts étaient éternelles, qu’elles feraient toujours partie du paysage, explique Nathalie Naulet, du Réseau des alternatives forestières, une association qui rassemble, depuis 2008, tous ceux qui prônent une autre gestion de la forêt. Les mobilisations citoyennes étaient rares et locales, souvent en réaction à la destruction d’un paysage. Aujourd’hui, de plus en plus de gens ont compris que, pour sa préservation, il ne suffit pas de faire des dons pour replanter des arbres ou pour s’acheter une compensation carbone. »
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