Un à un, les grands acteurs du système énergétique allemand passent sous le contrôle de l’Etat. Vendredi 16 septembre, Berlin a annoncé la mise sous tutelle de la société Rosneft Deutschland, la filiale allemande du groupe pétrolier russe, qui importe de l’or noir et exploite trois raffineries outre-Rhin.
La société sera placée sous l’autorité de l’agence allemande des réseaux, pour une durée provisoire de six mois. L’initiative survient quelques mois après une autre importante mise sous tutelle survenue en avril, celle de Gazprom Germania, filiale du groupe russe, qui gérait d’importantes infrastructures de transport et de stockage du gaz outre-Rhin.
Ces deux décisions sont justifiées par le gouvernement par la nécessité d’assurer la sécurité de l’approvisionnement énergétique de l’Allemagne, qui s’était placée, ces dernières années, dans une dangereuse dépendance vis-à-vis des groupes russes. « La Russie, nous le savons, n’est plus un partenaire énergétique fiable », a déclaré le chancelier, Olaf Scholz, lors d’une conférence de presse, vendredi midi. Le cas de Rosneft était particulièrement préoccupant : le groupe russe utilise un pipeline inauguré en 1963, baptisé « Droujba » (« amitié », en russe), pour alimenter en pétrole brut tout l’est de l’Allemagne, dont la région de Berlin et son aéroport international.
Plus grave : Rosneft est également impliqué au long de la chaîne de valeur pétrolière allemande. Il est actionnaire minoritaire de trois raffineries, à Schwedt-sur-l’Oder, dans la région du Brandebourg, d’une importance systémique pour toute la région, à Karlsruhe, en Bade-Wurtemberg, et à Vohburg an der Donau, en Bavière. Soit 12 % du total des capacités de raffinage du pays. Toutes ces installations étaient menacées de crise ou de dysfonctionnements. Outre les incertitudes sur l’approvisionnement en brut, leurs partenaires commerciaux, leurs sous-traitants et leurs prestataires de services (informatique, bancaire) avaient pris leurs distances à cause de la présence du groupe russe.
« Le cœur et l’épine dorsale de la région »
L’avenir de l’usine de Schwedt-sur-l’Oder, à la frontière polonaise, faisait, depuis des mois, l’objet de toutes les inquiétudes. La raffinerie appartient à 54,2 % à Rosneft, à côté des actionnaires Shell et Eni, et emploie 1 200 personnes. Depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine et la décision d’imposer, au 1er janvier 2023, un embargo complet sur le gaz russe, la perspective d’une fermeture rappelait aux salariés et aux habitants les mauvais souvenirs des suites de la Réunification.
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