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au Sénégal, la Casamance durablement meurtrie par le drame du « Joola »

au Sénégal, la Casamance durablement meurtrie par le drame du « Joola »


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Ziguinchor, le 21 septembre 2022. Une maquette du « Joola » dans la chambre de Michel Diatta, disparu lors du naufrage du bateau, en 2002.

Jean Diedhiou se souvient avec précision de cette soirée du 26 septembre 2002 à bord du Joola. Peu après avoir quitté la ville de Ziguinchor, dans le sud du Sénégal, l’étudiant de 23 ans qu’il était à l’époque avait laissé son siège à sa sœur dans un bateau plein à craquer, avant de monter au restaurant avec son cousin et cinq amis de son village de Casamance. C’était la fin des vacances et tous repartaient à Dakar pour passer leurs examens d’octobre à l’université Cheikh-Anta-Diop. Un dîner, un concert de l’orchestre Jamoraye, puis à 23 heures, de premiers mouvements de panique quand le bateau se mit à pencher sur la gauche avant de se retourner entièrement…

Jean Diedhiou n’a jamais revu ses compagnons de voyage. Ce soir-là, au prix de maints efforts, il réussit à sortir par une fenêtre pour se jeter dans une mer déchaînée, puis à grimper sur la coque renversée du navire, où il attend avec 21 autres personnes jusqu’au petit matin que des pirogues gambiennes viennent les sauver. Vingt ans plus tard, il fait partie des 64 rescapés, dont six étudiants, du naufrage du Joola, qui fit près de 2 000 morts. « Nous étions des centaines de jeunes dans ce bateau car il n’y avait pas d’université à Ziguinchor. J’ai perdu tous les camarades avec lesquels j’ai partagé le lycée et passé le baccalauréat », déplore-t-il.

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Plus de la moitié des victimes viennent de la commune de Ziguinchor. Leur mort a laissé un trou béant dans la société casamançaise. « Une génération d’étudiants, de jeunes et de commerçantes a disparu. Cela a créé de grandes perturbations sociales, que ce soit à l’école ou sur le plan économique. C’est un drame incalculable qui marque encore les populations », témoigne Robert Sagna, maire de Ziguinchor à l’époque et figure de la politique sénégalaise.

« Nous avons été abandonnés »

Jean Diedhiou, marié et père de deux enfants, a essayé de continuer sa vie malgré les traumatismes et les déceptions. « Après deux jours à l’hôpital, nous avons été renvoyés dans nos familles et livrés à nous-mêmes, sans accompagnement ni véritable suivi psychologique », se rappelle-t-il.

Jean Diedhiou, rescapé : « Je voulais partir du Sénégal, car le sentiment de culpabilité était trop lourd »

Malgré la promesse de l’Etat de leur donner une bourse pour poursuivre leurs études à l’étranger, aucun des six étudiants rescapés ne pourra partir. « Je devais aller à l’université de Perpignan en 2003, mais je n’ai jamais reçu le visa car mon année était jugée invalide. Ce n’était inscrit nulle part dans mon dossier que j’étais rescapé et que je n’avais pas passé les examens à cause du naufrage, raconte-t-il avec amertume. Toutes les personnes que je connaissais ont disparu dans le naufrage. Je voulais partir du Sénégal, car le sentiment de culpabilité était trop lourd. »

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