Dans la banlieue de Clara Town, à Monrovia, Aminata Kanneh transpire sous la forte chaleur du soleil de midi. Comme des dizaines d’autres habitants de la capitale du Liberia, elle fait la queue sur une centaine de mètres pour acheter du riz. « Cela fait deux semaines que je viens tous les jours, mais jusqu’à présent je n’ai pas obtenu un seul grain de riz », confie à l’AFP cette femme de 34 ans. Dans tout le pays, depuis plusieurs jours, les Libériens se ruent chez les grossistes pour mettre la main sur l’aliment de base national, alors que des rumeurs circulent sur une possible pénurie de riz.
Les perturbations de la chaîne d’approvisionnement et l’invasion de l’Ukraine par la Russie ont provoqué des pénuries de denrées alimentaires et une hausse des prix dans une grande partie du monde. Mais le Liberia, petit Etat de 5 millions d’habitants – dont 27,6 % vivent sous le seuil international de pauvreté (2,15 dollars par jour et par personne), selon la Banque mondiale –, a été particulièrement touché à cause de retards dans les livraisons.
Les prix du riz ont régulièrement augmenté ces six derniers mois, pour atteindre l’équivalent d’environ 25 dollars américains le sac de 25 kg, alors que le prix du sac est théoriquement fixé par les autorités à 13 dollars. « Je ne peux pas vendre un sac ne serait-ce que 20 dollars en ce moment, parce que le riz est devenu comme de la poussière d’or, explique Angeline Sandy, une commerçante de 27 ans. J’ai acheté un sac pour 23 dollars, je le vends pour 30. »
Selon Djaounsede Madjiangar, un porte-parole du Programme alimentaire mondial (PAM) en Afrique de l’Ouest, la pénurie de riz est due à « des retards de livraisons ». « Le prix du riz est clairement influencé par la crise en Ukraine », explique-t-il, soulignant qu’environ 70 % des aliments de base du Liberia, y compris le riz, sont importés : « Comme pour de nombreux autres pays d’Afrique de l’Ouest, l’augmentation des prix alimentaires intérieurs reflète les tendances internationales, déterminées en grande partie par la crise énergétique mondiale résultant de la crise russe et ukrainienne. »
Un navire « attendu dans les prochains jours »
Cette semaine, le ministère du commerce a appelé les Libériens à « rester calmes » et à s’abstenir d’acheter dans la panique, assurant que d’autres approvisionnements étaient en cours. Il a également exhorté les commerçants à ne pas spéculer sur la marchandise en la stockant. « Nous voulons assurer au public que le stock actuel de riz dans le pays peut servir le marché jusqu’à l’arrivée du prochain navire, qui est attendu dans les prochains jours », indique le communiqué.
Il a précisé que le gouvernement subventionnait les importateurs pour maintenir un plafond de prix sur ce produit de base et a attribué les « retards de livraisons » à une ordonnance de l’autorité portuaire nationale, en août, pour empêcher les navires jugés défectueux d’accoster dans le pays. Le ministère du commerce a assuré que quelque 150 000 tonnes arriveraient entre mi-octobre et début novembre, ce qui approvisionnerait le marché jusqu’au début de l’année prochaine, et que 22 000 tonnes supplémentaires sont attendues « dans les prochains jours ».
Le Liberia a également dû faire face à des pénuries de carburant en début d’année. Les prix avaient flambé et les automobilistes avaient été contraints de faire de longues files d’attente devant les stations-service. Frappée par la guerre civile entre 1989 et 2003, l’économie libérienne a ensuite été sinistrée par l’épidémie d’Ebola en Afrique de l’Ouest, qui a ravagé le pays de 2014 à 2016. Le Liberia souffre également d’une forte inflation et de pénuries régulières de liquidités. Selon l’ONU, c’est l’un des pays les moins développés au monde.
Pour ne rien manquer de l’actualité africaine, inscrivez-vous à la newsletter du « Monde Afrique » depuis ce lien. Chaque samedi à 6 heures, retrouvez une semaine d’actualité et de débats traitée par la rédaction du « Monde Afrique ».