Candidat surprise, le millionnaire Sam Matekane, 64 ans, qui a fait fortune dans les mines de diamants, obtient le plus grand nombre de sièges au Parlement du Lesotho sans atteindre la majorité absolue, a annoncé lundi 10 octobre la commission électorale.
Déjouant tous les pronostics des experts, son mouvement, la Révolution pour la prospérité (RFP), créé tout juste six mois avant le scrutin de vendredi, a remporté 56 sièges sur 120, selon les résultats définitifs. Les deux autres partis qui dominaient le paysage politique jusqu’ici, le Congrès démocratique (DC) et la Convention de tous les Basotho (ABC), ont obtenu respectivement 29 et 8 sièges.
M. Matekane, considéré comme l’homme le plus riche de ce petit pays enclavé dans le territoire sud-africain, devrait devenir premier ministre. Il lui faudra cependant former une coalition pour gouverner la monarchie constitutionnelle, marquée par une forte instabilité politique. « Tous ces gouvernements qui se sont succédé, nous les avons épaulés » financièrement, confiait à l’AFP, la veille du scrutin, cet homme au physique trapu, aux cheveux ras et à la fine moustache : « Mais nous avons réalisé que nous devions prendre les choses en main. »
Le Lesotho, l’un des pays les plus pauvres de la planète, « est en train de sombrer : nous, les hommes d’affaires, nous devons le sauver », disait le candidat. Il propose de relancer l’économie et de venir à bout de la dette publique, sans s’attarder sur les détails ni la méthode.
Des ânes aux diamants
Parti de rien en se lançant à 22 ans dans l’élevage d’ânes, l’ancien gardien de troupeau, septième de quatorze enfants, a grandi au sein d’une famille de paysans des hauts plateaux. Il aime les courses de moto, les blagues familières et affiche une richesse décomplexée, même s’il refuse de donner le montant de sa fortune. A la tête d’une myriade d’entreprises rassemblées sous l’entité Matekane Group of Companies (MGC), il dirige une société exploitant la mine de Letseng, où le cinquième plus gros diamant du monde (910 carats) a été découvert en 2018. Il a gagné en popularité en construisant des écoles, un stade ou encore un théâtre. Il finance des bourses d’études et sponsorise la fédération nationale de football. Pendant la pandémie de Covid-19, il a participé à l’achat de vaccins.
Dans la rue, ils étaient nombreux à réclamer un changement et de meilleures conditions de vie. La population, majoritairement rurale et dont plus de 30 % vit avec moins de 1,90 dollar par jour, selon la Banque mondiale, est assommée par un chômage endémique à 22,5 %. « Il devra travailler dur pour satisfaire les gens qui lui ont témoigné leur confiance », note le politologue Tlohang Letsie, de l’Université nationale du Lesotho. « Sa réputation et la colère des gens envers les autres partis lui ont permis de gagner des voix », estime-t-il auprès de l’AFP.
Quelque 1,5 million d’électeurs étaient appelés à voter vendredi pour une cinquantaine de partis. Dès le lendemain du scrutin, des soutiens de l’homme d’affaires s’étaient rassemblés dans la capitale, Maseru, lorsque les premiers dépouillements le montraient en tête. « Je viens des montagnes, là-haut nous n’avons pas de nourriture, pas d’eau, rien. La RFP va changer tout ça », lâchait Mamamello Shoaepane, 40 ans, en pleurant de joie. Chantant et dansant dans la rue, la petite foule euphorique, habillée en blanc et vert – les couleurs du parti –, scandait : « La prospérité, c’est la vie ! »
La monarchie constitutionnelle est dirigée depuis 2012 par des gouvernements de coalition, rendus instables par de fréquents changements de bord et scissions au sein des partis. L’ancien protectorat britannique a aussi connu depuis son indépendance, en 1966, une succession de coups d’Etat et d’exils forcés de dirigeants politiques.
Pour ne rien manquer de l’actualité africaine, inscrivez-vous à la newsletter du « Monde Afrique » depuis ce lien. Chaque samedi à 6 heures, retrouvez une semaine d’actualité et de débats traitée par la rédaction du « Monde Afrique ».