A son tour, Sadio Mané jette l’éponge : il ne verra pas les tours de Doha. Touché au péroné droit à douze jours du début de la Coupe du monde, le Sénégalais, deuxième au classement du dernier Ballon d’or, faisait évidemment partie de la liste du sélectionneur, Aliou Cissé. Mais la blessure de l’incontournable star du pays n’a pas évolué comme l’espéraient les médecins des Lions de la Teranga, et l’attaquant du Bayern Munich a été contraint de déclarer forfait, jeudi 17 novembre, laissant son pays orphelin.
Quelques jours après le Français Christopher Nkunku, Sadio Mané – qui a été immédiatement opéré – donne à son tour raison à Didier Deschamps. « Mes collègues sont confrontés aux mêmes difficultés en cette période. Il y a des joueurs en phase de récupération, certains qui se sont blessés hier et d’autres qui pourraient l’être ce soir », avertissait le sélectionneur des Bleus deux semaines avant le Mondial en dévoilant son groupe. Quand on l’égrène, la liste des absents sur blessure donne, il est vrai, le vertige.
Paul Pobgba, N’Golo Kanté, Presnel Kimpembé, Christopher Nkunku ou Mike Maignan chez les Bleus ; Amine Harit pour le Maroc ; les Anglais Ben Chilwell et Reece James ; l’Allemand Timo Werner ou le Portugais Diogo Jota ; et Sadio Mané, donc – parmi d’autres. Nombreux sont les absents, et ils sont prestigieux : si le Sénégal a dû se résoudre à disputer le Mondial sans son meilleur joueur, la Corée du Sud retient son souffle au sujet de sa star, Son Heung-min, blessé au visage lors du match de Tottenham contre Marseille en Ligue des champions, le 1er novembre.
Calendriers surchargés
Faut-il ajouter ces blessures aux griefs accablant la tenue de la Coupe du monde au Qatar en toute fin d’année ? De nombreux facteurs expliquent la blessure d’un sportif, et ils sont ardus à maîtriser, voire à prédire ; mais selon Joel Mason, chercheur en sport à l’université d’Iéna (Allemagne), « le risque potentiellement accru de blessures avant ce Mondial et pendant le tournoi est justifié ».
Pour lui, « chaque fois qu’il y a une augmentation de la charge de travail des joueurs ou une exposition prolongée à un calendrier condensé, il y a un plus grand risque de blessure », en particulier musculaire. Or, pour organiser la Coupe du monde sous des températures supportables, les décideurs du football mondial ont compressé le calendrier.
Dans un rapport publié le 15 novembre, la Fifpro – le syndicat mondial des joueurs – dénonce l’extrême surcharge à laquelle sont confrontés de nombreux joueurs. En sus d’une préparation au Mondial tronquée, la plupart des footballeurs évoluant dans les grands clubs européens ont enchaîné les matchs, souvent à raison de deux par semaine. Les stars des plus grands clubs n’ont guère eu le temps de récupérer, multipliant les rencontres tous les trois ou quatre jours depuis le début de la saison.
Lors de la Coupe du monde 2002, le professeur Jan Ekstrand, médecin suédois spécialiste du football, qui a travaillé toute sa vie sur les blessures et les manières de les éviter, a étudié les effets des calendriers surchargés sur la santé des joueurs. Résultat ? « Les joueurs qui ont disputé plus d’un match par semaine au cours des dix semaines précédant la Coupe du monde ont été plus blessés que les autres, ou ils ont été moins performants », résume-t-il.
L’incertitude Benzema
Pour cet ancien vice-président de la commission médicale de l’Union des associations européennes de football (UEFA), « après un match, le risque de blessure musculaire est accru pendant six jours ». Avec des équipes jouant tous les quatre jours pendant la phase de groupe, le Mondial au Qatar ne va pas lever le pied. Aussi Jan Ekstrand espère-t-il que les entraîneurs feront tourner leurs effectifs, afin d’éviter les blessures – un vœu qu’il sait pieux.
Impossible de prédire si la Coupe du monde sera marquée par une avalanche de pépins physiques, ou si Sadio Mané sera sa dernière infortunée victime. « Il y aura inévitablement des blessures dues à un trop grand nombre de matchs durant cette saison, élabore le chercheur Joel Mason. Mais savoir quand elles frapperont – avant, pendant ou après la Coupe du monde – est difficile à prévoir, cela dépend de nombreux facteurs. »
Reste qu’à l’heure de siffler le coup d’envoi du match d’ouverture, dimanche 20 novembre, entre le Qatar et l’Equateur, le banc des absents ne désemplit pas. Les Français, suspendus à la reprise de leur Ballon d’or, Karim Benzema – victime de « gênes », « fatigues » et « blessures » musculaires depuis un mois –, espèrent qu’il ne sera pas le prochain joueur contraint de jeter l’éponge.
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