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Le rassemblement a commencé par quelques coups de klaxon et des pancartes tenues à bout de bras en banlieue de Goma, l’une des principales villes de l’est de la République démocratique du Congo (RDC). « Non à l’armée ougandaise », peut-on lire sur une banderole en tête de cortège. Ces nouvelles troupes venues de Kampala, censées intervenir dans le cadre de la force régionale décidée par la Communauté des Etats d’Afrique de l’Est, n’ont pas encore été déployées. Mais, déjà, les manifestants rassemblés, jeudi 1er décembre, doutent de la sincérité de l’Ouganda à ramener la paix dans cette région ravagée par plus de vingt-cinq ans de guerres. Le jour même, à 70 km au nord de Goma, les combats ont repris entre les rebelles du Mouvement du 23 mars (M23) et les forces armées de la RDC (FARDC) au terme de seulement cinq jours d’accalmie faisant s’envoler le cessez-le-feu décidé par plusieurs chefs d’Etat de la région lors d’un sommet extraordinaire à Luanda, le 23 novembre. L’armée congolaise accuse les rebelles du M23 d’avoir massacré mardi au moins 50 civils.
Dans les rues de la capitale du Nord-Kivu, une centaine de sympathisants de la Synergie des mouvements citoyens et des groupes de pression a bravé l’interdiction de manifester des autorités. Au moins un militant a été blessé et plusieurs journalistes ont été interpellés brièvement par les forces de l’ordre. « Mais nous devons nous lever ! Trop, c’est trop ! », s’indigne Clément Mundeba, un manifestant. Cet entrepreneur, qui se présente comme un défenseur des droits humains, soupçonne l’Ouganda de soutenir les insurgés du M23.
« Ce n’est pas un partenaire crédible »
Cette rébellion à dominante tutsi est accusée par Kinshasa de recevoir l’appui du Rwanda. Une affirmation confortée par le travail d’un groupe d’experts des Nations unies et par le Baromètre sécuritaire du Kivu qui disent détenir des preuves de l’implication de Kigali dans ce conflit, et reprise par les Etats-Unis. « Nous ne sommes pas responsables des problèmes internes en RDC », s’est défendu le président rwandais Paul Kagamé devant ses parlementaires, mercredi.
Depuis l’offensive lancée le 20 octobre par le M23, qui contrôle désormais une partie de la province du Nord-Kivu, l’Ouganda apparaît lui aussi complice des rebelles aux yeux des organisateurs de la marche. « Dans les territoires occupés par la rébellion, des témoignages selon lesquels l’armée ougandaise apporte une aide logistique au M23 remontent régulièrement », développe Patrick Paluku, coordinateur de l’organisation citoyenne Veranda Mutsanga. En juin déjà, le président de l’Assemblée nationale congolaise, Christophe Mboso, avait dénoncé l’occupation « illégale [par le M23] avec la complicité de Kampala » de Bunagana, l’un des principaux postes-frontière entre la RDC et l’Ouganda.
« Ce n’est pas un partenaire crédible », poursuit Patrick Paluku. « Comment peuvent-ils être à la fois du côté des rebelles et prétendre aider la RDC à les combattre ? », s’interroge-t-il. Les deux pays sont en effet engagés depuis novembre 2021 dans une opération militaire conjointe contre les Forces démocratiques alliées, plus connues sous le sigle anglais ADF. Ce groupe armé d’origine ougandaise, affilié à l’Etat islamique depuis 2019, est responsable de la mort d’au moins 6 000 civils depuis 2013 en territoire congolais, selon l’épiscopat de RDC.
Cette intervention n’a pour l’heure donné que de maigres résultats. En sommeil pendant des mois, l’opération baptisée « Shujaa » a été relancée au début du mois dernier. Le 4 novembre, le président ougandais Yoweri Museveni avait annoncé sur Twitter que son armée de l’air avait détruit un camp d’ADF.
« Protéger les infrastructures et l’aéroport »
Au total, entre 2 000 et 4 000 soldats ougandais sont déjà engagés contre les ADF dans la région de Béni et dans la province de l’Ituri, selon un rapport du Baromètre sécuritaire du Kivu publié en juin 2022. Comment travailleront-ils avec les 1 000 hommes supplémentaires déployés dans la même zone sous l’égide de la force est-africaine ? « La totalité des troupes devraient venir dans les prochains jours », explique le brigadier général Felix Kulayigye, porte-parole de l’armée ougandaise, sans préciser ce qui distinguera leur mandat.
Plusieurs centaines de soldats kényans sont arrivées à Goma depuis le 12 novembre, notamment pour « protéger les infrastructures et l’aéroport », explique Jeff Nyagah, le général kényan à la tête de la force est-africaine.
Mais, à Goma, personne ne se fait d’illusion sur le retour de la paix et nombreux sont ceux qui ne croient plus à une solution militaire étrangère. La marche s’achève devant l’une des bases logistiques de la Monusco, la mission de maintien de la paix des Nations unies. Les manifestants réclament aussi le départ des quelque 14 000 soldats de l’ONU.