Une femme de 71 ans qui ne parle pas anglais est toujours accompagnée d’une de ses filles qui doit parfois prendre congé du travail pour s’assurer qu’elle obtienne des services en français pendant ses examens médicaux.
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«Je trouve ça déplorable. On ne la laisse pas aller là toute seule, on n’ose pas», avoue Emma-Claudia Proulx, qui accompagne sa mère en rotation avec sa sœur à l’Institut neurologique de Montréal, depuis l’an dernier.
Lors d’un rendez-vous l’an dernier, Mme Proulx a dû traduire sur-le-champ les propos du médecin pour sa mère Patricia Brassard, originaire du Saguenay–Lac-Saint-Jean, qui ne parle pas du tout anglais.
«D’emblée, le médecin nous a dit qu’il ne parlait pas français. Il posait une question, et je devais traduire pour ma mère, et retraduire ensuite, explique la femme de 41 ans. Je faisais du mieux que je pouvais, mais il y avait des termes techniques que je ne connaissais pas.»
Une loi pourtant claire
Cette histoire, qui n’est pas un cas isolé, démontre la difficulté de patients francophones à obtenir des services en français dans des hôpitaux au Québec.
Après la publication d’un dossier sur le sujet samedi dernier, le Journal a reçu beaucoup d’autres témoignages de Québécois qui ont vécu une telle situation. Pourtant, la loi est claire au Québec : tous les établissements doivent donner des services en français.
Selon Mme Proulx, le médecin de l’institut neurologique de Montréal ne leur a pas proposé les services d’un traducteur.
«Et je n’ai pas demandé, avoue-t-elle. Je ne voulais pas rendre les choses encore plus compliquées.»
«J’ai trouvé ça tellement dommage de voir ma mère qui écoutait le médecin et qui me regardait avec un air : “Qu’est-ce qu’il dit ?”»
Depuis ce rendez-vous, les deux filles de Mme Brassard accompagnent automatiquement leur mère à tour de rôle lors de ses rendez-vous. Lorsqu’elle doit prendre congé, Mme Proulx n’est pas payée.
Elle note toutefois que sa mère a finalement réussi à être servie en français à l’Institut depuis un an, mais malgré cela, elles ne prennent pas de risque.
«Qu’est-ce qui se serait passé si je n’avais pas été là avec ma mère? Je me pose encore la question», déplore-t-elle.
Le concierge traduisait
Par ailleurs, un patient qui a exigé d’être servi en français à l’urgence de l’Hôpital général juif dénonce le fait qu’un concierge a servi de traducteur.
«Le médecin disait : mon français n’est pas très bon», se rappelle Youssef Taha, qui consultait en psychiatrie il y a deux ans. Il s’est fait traduire par le concierge qui lavait le plancher à côté ! Il n’y a pas de confidentialité.»
Ce dernier souligne aussi que son dossier médical était uniquement rédigé en anglais. Selon l’homme de 43 ans, la traduction était possible au service des archives, mais à ses frais.
M. Taha dit avoir porté plainte au commissaire de l’hôpital, mais que cela n’avait rien donné.
En anglais à Cowansville… puis à Montréal
Un homme de Bromont déplore d’avoir été traité par un médecin incapable de lui parler en français à l’hôpital de Cowansville avant d’être transféré à Montréal… où il a aussi été traité en anglais.
«Je parle un peu anglais, mais dans l’état où j’étais, j’étais moins volubile, avoue Michel Bilodeau. On parle beaucoup de Montréal, mais la tendance [de l’anglais] prend de l’expansion.»
Transporté à l’hôpital Brome-Missisquoi-Perkins, à Cowansville, pour des problèmes cardiaques en octobre 2020, l’homme de 62 ans a été soigné par un médecin anglophone qui ne parlait pas français.
«Ça amène une certaine inquiétude. Tu ressors avec un petit goût amer», avoue le conseiller municipal de Bromont.
«À l’hôpital, on n’est pas là pour créer des conflits ou revendiquer, on est là pour se faire soigner», souligne-t-il.
«Et, je ne suis pas sûr que ça aurait amélioré le service», ironise l’homme qui a contacté Le Journal après avoir lu le dossier samedi dernier.
Et encore…
Transporté par la suite à Montréal au Centre universitaire de santé McGill pour y être hospitalisé, l’homme dit avoir encore reçu des soins en anglais de la part de plusieurs employés (médecins, infirmières et préposés).
«Même le sommaire d’hospitalisation était écrit en anglais», se rappelle-t-il.
Ce dernier a déposé une plainte à l’Office québécois de la langue française (OQLF), mais il déplore la complexité du document.
Pas pris de note
«Je devais identifier les noms des médecins, des infirmières, etc. Mon objectif n’était pas de faire de la délation, mais de signifier une situation, dit-il. Je n’avais pas pris beaucoup de notes.»
Finalement, il n’a pas eu de nouvelles de l’OQLF.
«C’est comme tombé dans la filière 13», suppose-t-il.