La lutte contre le réchauffement climatique nécessite la mobilisation de tous. Ce dérèglement d’une ampleur inédite qui méprise les frontières frappe déjà partout, quelle que soit la nature des régimes des pays déjà les plus exposés. Aucune rhétorique étroitement nationaliste ne le fera reculer. Seule la voie de la solidarité permettra de répondre à une crise qui produit déjà ses effets destructeurs et qui exige une réponse fondamentalement multilatérale.
Il est donc logique et satisfaisant que, du fait de la rotation en cours entre continents depuis le début des Conférences des parties sur les changements climatiques, celle de 2022 soit hébergée en 2022 par un grand pays d’Afrique, l’Egypte. En espérant que la voix du Sud y soit d’autant mieux entendue.
Il est tout aussi important que la tenue de cette conférence internationale dans la station balnéaire de Charm El-Cheikh, sur les rives de la mer Rouge, soit l’occasion de redire combien les droits humains restent douloureusement méprisés par le régime du président Abdel Fattah Al-Sissi, qui devait trôner au centre de la photo de famille prévue le 7 novembre avec une centaine de chefs d’Etat et de gouvernement.
Ce dernier est passé maître dans la gestion d’une forme de rente stratégique. Elle lui permet de bénéficier de la mansuétude de pays qui assurent être viscéralement attachés à la défense de principes et de valeurs. En atteste par exemple la tempérance de l’administration de Joe Biden qui n’a rogné qu’à la marge l’aide américaine versée à l’Egypte depuis son arrivée à la Maison Blanche.
Une timidité qu’illustre également dans le cas français la remise emblématique de la Légion d’honneur à ce parfait exemple de potentat, en 2020, par le président Emmanuel Macron. Ces pays assurent plaider avec force en faveur des droits humains dans l’intimité de leurs tête-à-tête avec Abdel Fattah Al-Sissi. Ses résultats ne semblent pas vraiment valider l’efficacité de cette démarche.
Musellement de la société civile
Emprisonnée loin de Charm El-Cheikh, l’une des figures de la révolution de 2011 qui avait renversé Hosni Moubarak, Alaa Abd El-Fattah, a rappelé dans un geste dramatique cette situation en durcissant la grève de la faim qu’elle mène pour dénoncer les conditions de détention dans des prisons égyptiennes de sinistre réputation. Au péril désormais de sa propre vie. Le sort de ce militant de gauche, qui a passé la majorité de ces neuf dernières années en prison, livré à l’arbitraire, illustre celui des 60 000 prisonniers politiques, islamistes comme libéraux, qui croupissent dans les geôles de l’homme fort égyptien.
Evoquer le musellement de la société civile égyptienne, à l’occasion d’un sommet sur le climat, est d’autant moins hors sujet que cette dernière a également un rôle de premier plan à jouer en la matière. En dépit d’une vague promesse de dialogue politique, la main de fer du président Abdel Fattah Al-Sissi l’en empêche, en pesant de tout son poids sur l’organisation, le fonctionnement et le financement de groupes de défense de l’environnement égyptiens.
Elle empêche ainsi la société de s’investir dans un débat vital en bloquant la moindre discussion sur la légitimité de projets présidentiels qui peuvent aller à l’encontre des efforts d’adaptation nécessaires dans un pays déjà sur le fil.
L’argument de la « stabilité » immanquablement avancé par les régimes autoritaires ne doit pas masquer une évidence maintes fois vérifiée : une dictature n’est pas plus durable que des énergies fossiles.