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Clara Cletus Luvanga, trop masculine pour être une femme ? – Jeune Afrique

Clara Cletus Luvanga, trop masculine pour être une femme ? – Jeune Afrique


Elle leur en a fait voir de toutes les couleurs. En deux rencontres de football, en mai et en juin, Clara Cletus Luvanga a enquillé trois buts lors du match aller contre les Camerounaises des Lionnes indomptables U17, avant – hélas – de provoquer une bagarre et d’écoper d’un carton rouge au retour. De quoi écœurer ses adversaires, incapables de répondre au défi physique que l’athlète tanzanienne leur a imposé.

Éliminées de la Coupe du monde de cette catégorie des moins de 17 ans (qui se déroule du 6 au 28 octobre en Inde) par une équipe trop forte pour elles, les Camerounaises ont porté une réserve sur le dossard numéro 7, revêtu par cette joueuse à la morphologie particulièrement androgyne : à y regarder de plus près, ce garçon manqué n’est-elle pas tout simplement un… garçon ?


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Patate chaude

Les responsables de la Confédération africaine de football (CAF) ont eux aussi voulu savoir. Ils ont accueilli favorablement la réclamation des vaincues, ont tout de suite commandé une expertise de genre dans un pays « neutre », l’Afrique du Sud. Rendez-vous a été pris dans une clinique de Johannesburg. Une délégation médicale camerounaise a même été invitée à y assister – sans y participer. Sauf que, le jour dit, la joueuse ne s’est pas présentée.

Interrogée, la CAF déclare alors que la footballeuse aurait été impliquée dans un accident de la circulation entre l’aéroport et la clinique. Vérité ou subterfuge ? La suite de l’affaire suscite le doute, d’autant que, depuis ce rendez-vous manqué, les parents de la joueuse ne veulent plus entendre parler d’expertise. On apprendra plus tard, un malheur n’arrivant jamais seul, que la patate chaude est passée du Caire à Zurich. Ce qui équivaut à un enterrement de première classe. La vérité attendra.

Les Camerounais, eux, ne lâchent pas le morceau. À la mi-octobre, ils écrivent à la Fifa pour réitérer leur demande d’expertise de genre, en vertu d’une « suspicion légitime ». Comme chacun sait, dans les compétitions sportives, l’apparence est souvent le premier indice de la tricherie. C’est elle qui déclenche les examens d’âge apparent, et, bien sûr, les expertises de genre.

Dans un chou ou dans une rose ?

En attendant de savoir si le dossard numéro 7 est né dans un chou comme les garçons ou plutôt dans une rose, deux hypothèses sont plausibles : s’il est établi que la Tanzanie sélectionne des garçons pour mettre des raclées à ses adversaires féminines, alors elle se rend coupable d’une fraude. Et plus personne n’en parlera après l’inévitable sanction prévue par les règles. En revanche, si la joueuse est bien une femme dans un corps d’apparence masculine, alors on comprend la réticence des instances sportives à aller jusqu’au bout de leurs investigations.


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Depuis treize ans, l’hyperandrogénie des athlètes est au centre d’une bataille médiatique, scientifique, juridique et judiciaire engagée par la Sud-Africaine Caster Semenya, une athlète dite hyperandrogène, double médaillée d’or sur 800 mètres aux Jeux olympiques de Londres (2012) puis à ceux de Rio (2016), dont le corps sécrète un taux d’androgène (hormones masculines principalement représentées par la testostérone) supérieur à la normale. Pour la plupart de ses concurrentes, cette différence engendre une inégalité justifiant ses victoires.

Zone de non-droit

Son cas a conduit World Athletics (ex-Association internationale des fédérations d’athlétisme, IAAF) à fixer un seuil de testostérone de 10 nanomoles par litre de sang pour les athlètes concourant dans la catégorie féminine. En 2018, l’IAAF avait également édicté un règlement qui obligeait les athlètes concernées à suivre un traitement destiné à faire baisser leur taux de testostérone pour êtres admises à concourir dans les catégories allant du 400 m au 1 000 m.

Ne l’acceptant pas, la Sud-Africaine a aussitôt saisi la justice et obtenu la suspension dudit règlement, qui avait été élaboré sur la base d’une étude scientifique contestée, le Tribunal arbitral du sport arguant de « la difficulté de prouver un véritable avantage chez les athlètes hyperandrogéniques sur les distances du 1 500 m et du 1 000 m ».

À ce jour, il n’y a pas de vérité définitive sur le sujet. Francine Niyonsaba (Burundi), Margaret Wambui (Kenya) ou encore Dutee Chand (Inde) se vivent en victimes du délit de sale gueule. Au lieu de mettre la poussière sous le tapis, la Fifa gagnerait à tirer au clair l’affaire Clara Cletus Luvanga et, ensuite, à sortir les footballeuses hyperandrogènes de la zone de non-droit où elle les confine.

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