Le Mondial de l’automobile s’est ouvert, lundi 17 octobre, au moment où les automobilistes ont les plus grandes difficultés à faire le plein d’essence en raison de la grève qui touche les raffineries et les dépôts de carburant. La situation aurait pu constituer la meilleure des promotions pour le véhicule électrique (VE), qui sera l’incontestable vedette de ce salon. Elle permet surtout de constater que l’automobile reste indispensable aux déplacements du quotidien et que les Français demeurent très dépendants du pétrole. De quoi mesurer l’ampleur du défi qui reste à accomplir pour réussir cette grande bascule industrielle.
A ce stade, le passage à l’électrique pose plus de questions qu’il n’en résout. Qu’il s’agisse de son accessibilité ou de sa fabrication, le VE n’est pas la solution miracle, du moins, pas encore. En se fixant pour objectif d’interdire la vente de véhicules à moteur thermique dès 2035, l’Union européenne a mis la pression sur toute une filière, qui doit maintenant composer avec une injonction qui peut avoir du sens sur le plan environnemental, mais dont les jalons restent flous.
L’accessibilité, d’abord. Les constructeurs estiment qu’il faudra entre cinq et sept ans pour résorber l’écart de prix entre un véhicule thermique et son équivalent électrique. En attendant, le nombre d’acheteurs potentiels menace de s’effondrer.
L’idée de mettre en place un système subventionné de location avec option d’achat à 100 euros se révèle plus compliquée que prévu. Le projet ne verra pas le jour avant 2024. D’ici là, Emmanuel Macron vient d’annoncer une augmentation de la prime à l’achat, qui pour les ménages les plus modestes va passer de 6 000 à 7 000 euros. Malgré ces aides, le VE va rester hors de portée pour beaucoup de Français. Même si les ventes commencent à décoller, même si plus d’un million roulent déjà sur nos routes, les VE représentent à peine 2 % du parc total.
Nouveaux usages
La technologie doit aussi surmonter un certain nombre de freins. Seul un Français sur quatre croit à l’avènement du tout-électrique en 2035. Le rythme d’installation de bornes de recharges n’est pas de nature à les rassurer. Sur les 100 000 promises par les pouvoirs publics, à peine les trois quarts ont été installés dont beaucoup sont hors d’usage, faute de maintenance. Sans une accélération des investissements dans ce domaine et une amélioration de l’autonomie des véhicules, l’usage du VE aura du mal à se généraliser. Surtout son adoption impliquera un nouveau rapport à la voiture. Pour être réellement écologique, celle-ci devra être plus petite et elle n’aura pas les mêmes usages qu’aujourd’hui.
Beaucoup d’inconnues subsistent sur les conséquences industrielles de la transition. La moitié de la chaîne de valeur est encore localisée en Asie. En outre, l’Europe doit importer les principaux composants nécessaires à la fabrication des batteries, dont les prix explosent. Si les constructeurs français tentent d’accélérer pour localiser l’assemblage dans leurs usines, rien ne dit qu’ils gagneront la course contre la montre engagée avec des concurrents chinois, qui sont prêts à déferler sur le Vieux Continent avec des voitures qui coûtent de 20 % à 30 % moins cher.
Se pose aussi la question de la disponibilité d’une électricité décarbonée en quantité suffisante. Enfin, le volet social de cette révolution industrielle s’annonce douloureux. L’assemblage d’un VE nécessite deux fois moins d’heures de travail qu’un véhicule classique, ce qui va se traduire par des dizaines de milliers de suppressions d’emplois dans la filière. Si la destination vers le tout-électrique est claire, la route qui y mène s’annonce sinueuse.