Un coureur québécois s’est mis au défi de terminer en deux jours l’une des courses en montagne réputée pour être parmi les plus périlleuses de la planète.
« L’objectif, c’est de terminer vivant et debout », plaisante Quentin Six, un Franco-Québécois de 43 ans, qui sera au départ du mythique Grand Raid de l’île de la Réunion le 20 octobre prochain.
Également appelée la « Diagonale des Fous », cette course en montagne porte bien son nom : 165 km à parcourir en moins de quatre jours, le plus souvent sans dormir, avec quatre sommets de plus de 2000 m d’altitude à gravir, et 10 000 m de dénivelé positif au total. À titre de comparaison, cela reviendrait à monter et descendre 11 fois le mont Albert en Gaspésie.
« C’est clairement l’un des deux ultra-trails les plus durs du monde, souligne Jean Fortier, directeur général de la course Québec Mega Trail (QMT). La température, le terrain rocailleux et le gros dénivelé rendent les conditions très difficiles. »
Récemment devenu papa, Quentin Six explique qu’il ne prendra pas de risques inutiles pendant l’épreuve.
« Si je dois prendre des pauses, j’en prendrai, assure le coureur. Mon but premier est juste de franchir la ligne d’arrivée, mais j’aimerais éviter de dépasser les 48 h de course. Cela signifierait de passer une troisième nuit consécutive sans dormir et à courir, et serait très mauvais pour le corps. »
Exigence physique
Jean-François Cauchon, qui avait terminé septième de la Diagonale des Fous en 2019 en moins de 26 heures – un record pour un Québécois –, affirme que la course est particulièrement difficile.
« Les changements de température sont drastiques, j’ai eu un coup de chaleur pendant l’épreuve, raconte l’ultra-traileur pourtant chevronné. On part du sud de l’île à 22 h pour atteindre le sommet du volcan pendant la nuit, où la température avoisine les 0 degré. On redescend ensuite au Cirque de Mafate, où il fait quasiment 30 degrés. C’est éprouvant. »
Pour bien s’acclimater, Quentin Six arrivera sur l’île de la Réunion deux semaines avant le début de la course. En plus de courir près de 100 km chaque semaine, cet ostéopathe montréalais s’est préparé en participant à des ultra-trails organisés un peu partout au Québec.
« J’ai commencé par l’ultra-trail de Bromont à 65 km, et le dernier en date que j’ai couru était le QMT à 110 km, explique-t-il. J’essaie chaque fois d’augmenter la distance afin d’être prêt à affronter les 165 km du Grand Raid. »
Abandons et hallucinations
En plus d’un nombre d’abandons important et des blessures fréquentes, les coureurs sont parfois pris d’hallucinations liées à la fatigue sur les courses à très longue distance.
« Elles sont monnaie courante sur la Diagonale des Fous et peuvent s’avérer dangereuses avec les ravins qui jalonnent notre parcours, souligne Pierre Maunier, président de l’Association du Grand Raid. C’est une course exigeante qui pousse à un réel dépassement de soi. Il ne faut pas se risquer à y participer sans avoir un minimum de préparation physique et mentale. »
L’ultra-trail – course à pied en pleine nature sur une distance supérieure à 42 km – connaît un succès grandissant au Québec.
« Cette année, nous avons remis plus de 1200 dossards, raconte Jean-François Tapp, directeur du Gaspesia 100, course en sentier entre mer et montagne en Gaspésie. En 2016, nous avions à peine 65 coureurs. »
Même son de cloche chez Jean Fortier, directeur général de la course Québec Mega Trail.
« Nous avons eu plus de 2600 participants en 2022, c’est un véritable record, se réjouit-il. On constate environ 20 % d’inscriptions supplémentaires chaque année. »
Dépassement de soi
Pour les organisateurs, la popularité croissante de ce sport viendrait de la sensation de dépassement de soi qu’il procure.
« Le sentiment d’accomplissement personnel est très important quand tu cours des longues distances, analyse M. Fortier. Plutôt que la performance de temps, les coureurs ont le goût de terminer l’épreuve et d’aller au bout des choses. »
Alors qu’il n’avait jamais couru d’ultra-trail il y a encore trois ans, Quentin Six est rapidement devenu mordu de la discipline.
« C’est une expérience presque spirituelle pour moi, explique-t-il. Tu es entouré par la nature, et tu dois aller chercher les ressources mentales et physiques pour venir à bout de l’effort. Dans ces moments-là, tu te reconnectes à l’essentiel et tu penses à tes proches. »
Communauté
Selon Jean-François Tapp, l’aspect communautaire de l’ultra-trail contribuerait également à son succès.
« La course à pied sur route a connu une belle dynamique ces dernières années, mais elle est plus axée sur l’individu, analyse-t-il. Les gens se tournent de plus en plus vers le trail running, car les courses durent souvent deux à quatre jours et les coureurs ont le temps d’échanger sur la ligne de départ, au détour d’un sentier, ou après l’événement. Ça crée un véritable sentiment d’appartenance. »