Un septuagénaire a perdu la vie en août 2020 après avoir reçu par erreur une dose massive et fatale d’Ativan au CHSLD de Saint-Jean-sur-Richelieu par une journée où il manquait près de la moitié du personnel en pleine pandémie.
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Le nom du produit sur la bouteille n’a pas été validé avant d’administrer à Denis Boutin ce qui devait être un médicament pour son insuffisance cardiaque, révèle le rapport du coroner André-H. Dandavino rendu public la semaine dernière.
L’infirmière a pris la mauvaise fiole et l’homme de 74 ans a plutôt reçu par intraveineuse 30 milligrammes (mg) d’Ativan, un opioïde contre l’anxiété. La dose normale de ce produit est de 1 à 2 mg, a expliqué au Journal le Dr Dandavino.
Moins d’une heure plus tard, M. Boutin vomissait et était en détresse respiratoire. Il a été transporté dans un centre hospitalier, où il est décédé le soir même.
Plus tôt ce jour-là au CHSLD de Saint-Jean-sur-Richelieu, les ressources humaines ont fait des démarches pour remplacer le personnel manquant, mais sans succès. Alors qu’il aurait normalement dû y avoir deux infirmières-chefs sur le plancher, il y en avait juste une avec 74 patients à sa charge « dans un contexte de manque de personnel. »
Par ailleurs, l’Ativan n’aurait jamais dû se retrouver à portée de main. Le médicament doit être en tout temps dans une boîte fermée à clé au frigo, note le Dr Dandavino.
Bien traité… avant la pandémie
L’ex-femme de Denis Boutin se souvient à quel point le père de ses deux garçons aimait son nouveau CHSLD « avant que la pandémie ne vienne tout gâcher ».
« Il était bien traité. Il avait accès à des soins, des activités comme du bingo et il était bien entouré. Je l’ai même entendu chanter pour la première fois dans sa vie », raconte Lise Grenon avec la gorge nouée.
« Avec la pandémie, tout ça est tombé à l’eau, poursuit-elle au bout du fil. Le personnel roulait. Il ne voyait jamais les mêmes personnes. Ça puait deux fois plus, il y avait des couches sales dans les corridors. Il y avait vraiment quelque chose de changé. »
Cette mort qualifiée de violente par le coroner rappelle l’importance d’avoir une loi pour des ratios patients-infirmières, estime Denis Grondin, président du Syndicat des professionnelles en soins de la Montérégie-Centre.
« Plus une infirmière a une charge de travail élevée, plus ça amène des risques d’erreurs. Mettre des limites de patients par infirmière, c’est la manière de s’en sortir pour ne plus que ça arrive », martèle-t-il.
D’après lui, une infirmière avec 74 patients à sa charge en CHSLD pendant un quart de jour est « problématique et dangereux. »
« Dans le public, quand il y a des ratios qui n’ont pas d’allure, ça monte à la haute direction », explique-t-il.
Le Groupe Santé Nadon qui gère ce CHSLD privé n’a pas répondu à notre demande d’entrevue.