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GenèveIls veulent recycler une zone industrielle en lieu de loisirs
Créer un pôle festif au milieu des artisans: c’est ce que demande une motion centriste en Ville. Les autorités sont contre.
Repenser la zone industrielle des Charmilles (ZIC) pour en faire un haut lieu de loisirs nocturnes et diurnes, avec musique, bars, food trucks: c’est ce que souhaitent deux conseillers municipaux du Centre, Luc Zimmermann et Alain de Kalbermatten. Ils vont déposer mardi, lors de la prochaine plénière, une motion en urgence. Intitulé «Pour une ZIC avec de la zic!», le texte invite la Ville à s’inspirer du quartier de Zurich-West ou de Williamsburg, dans l’État de New York, où d’anciennes friches industrielles ont été reconverties.
Pour les élus, il s’agit de répondre à un besoin face à une offre qui se raréfie: «Il y a une vraie demande pour des lieux festifs et cet endroit nous paraît idéal», expose Luc Zimmermann. Les centristes soulignent que «les alentours comportent peu d’habitants» et qu’une grande partie des quelque 23’000 m2 du site «restera largement inutilisée». «Il y a déjà des artisans et des associations, mais il y a de quoi faire», affirme Alain de Kalbermatten. Et pas question de chasser les occupants actuels: «Ce mélange d’artisans charpentiers et d’artisans bistrotiers peut être intéressant et devenir un microcosme.»
«C’est une mine d’or!»
Le conseiller municipal liste les autres atouts du lieu: proximité avec des écoles dont la Haute école d’art et de design (HEAD), desserte des transports publics, jonction entre le centre-ville et Vernier. «C’est une mine d’or!» De plus, selon les motionnaires, les investissements ne seraient pas importants pour la Municipalité: les installations électriques et les sanitaires, les occupants éventuels se chargeant du reste. Contexte oblige, la motion demande également d’exploiter «au maximum la surface de toiture disponible pour la production d’énergie photovoltaïque».
Des nuisances déjà constatées
Fondateur du Village du Soir, Seb Courage se dit «a priori positif»: «On adore la concurrence, ça stimule, et il n’y en a bientôt plus, déclare-t-il. Mais ce ne sont pas les partis politiques qui ont fait avancer la vie nocturne, il faut confier ça aux vrais professionnels», nuance-t-il. Quant à la localisation, il semble un peu dubitatif: «Disons que si le MàD (ndlr: Moulin à Danses, qui avait un temps occupé une partie de l’espace jusqu’à sa disparition en 2018) n’a pas survécu là-bas, il y a peut-être une raison.»
Et c’est ce que souligne le conseiller administratif, Alfonso Gomez, chargé du Département des finances, de l’environnement et du logement de la Ville: «L’expérience a déjà été menée, puisque le MàD avait été relogé à la ZIC après son départ de la rue du Stand, rappelle-t-il. Sa présence avait suscité d’importantes nuisances pour le voisinage du quartier, qui présente, contrairement à ce que dit la motion, une forte densité d’habitations.»
«Pas la direction que nous souhaitons»
«Mais au-delà de ce constat, ce n’est pas la direction que nous souhaitons donner à ce lieu», tranche le magistrat. La ZIC étant la dernière zone industrielle et artisanale lui appartenant sur son territoire, la Ville «n’envisage aucunement d’en modifier l’affectation».
Pour les autorités, «dans la perspective de la transition écologique, il est essentiel de maintenir au centre-ville de petites et moyennes entreprises artisanales et des espaces dédiés à la production». En outre, indique le conseiller administratif, la ZIC s’est ouverte sur le quartier et accueille depuis peu le pôle culturel des 6 Toits et la MACO, qui réunit diverses associations autour de l’économie circulaire: «Face aux défis environnementaux et sociétaux, il est urgent de faire de la place à ce type d’activités.»
Sans s’exprimer sur la motion qui concerne la Ville, Nicole Valiquer, coordinatrice patrimoine, lieux culturels et territoire à l’Office cantonal du patrimoine et des sites, rappelle l’existence d’une étude «très porteuse» sur une stratégie territoriale pour la vie nocturne, culturelle et festive, «Genève, la nuit». «On voit l’importance pour les acteurs culturels d’avoir des lieux de travail ou de production à des prix abordables», constate-t-elle. Elle cite aussi des exemples de projets «très inspirants» en termes de politique de réemploi dans des friches industrielles à Zurich, Winterthour ou encore Bâle. Elle estime qu’à Genève, il existe encore un fort potentiel à ce niveau.
Publiée en 2017 sous mandat de l’Etat, l’étude du bureau MSV préconisait, outre la création de nouveaux espaces , la reconversion de lieux existants. La ZIC y était notamment citée comme endroit potentiel pour ce type d’activités, «à l’instar de toutes les zones industrielles et artisanales ou d’activités mixtes du canton.» Le projet «Fil de l’Arve» y était aussi mentionné, la rive gauche de la rivière accueillant déjà des lieux similaires: La Gravière, La Parfumerie, théâtres du Loup et du Galpon, ou l’Usine Kugler.