Pramila Patten a signé le 13 octobre, à Paris, un accord de partenariat avec l’ONG Bibliothèques sans frontières, qui a développé une expertise dans l’organisation d’espaces sécurisés dans lesquels les survivantes aux violences sexuelles ont accès à des services de soutien médical, psychologique, juridique, ainsi qu’à des activités éducatives et des formations professionnelles. Une approche holistique que la représentante onusienne veut appliquer dans de nombreux pays, et prioritairement en Ukraine.
Que sait-on des violences sexuelles commises au cours du conflit ukrainien ?
Des crimes de guerre atroces ont eu lieu en Ukraine. Des viols et toutes sortes d’agressions sexuelles ont été perpétrés par les forces russes, de façon souvent systématique, avec une brutalité et une cruauté extrêmes. Les investigations sur des cas précis, vérifiés, prouvent qu’il s’agit d’une stratégie militaire visant à déshumaniser les victimes et à terroriser la population. Le viol, en Ukraine, est bel et bien une arme de guerre. C’est le cas, depuis longtemps, dans de nombreux conflits.
La différence, c’est que, pour la première fois dans l’Histoire, la sensibilisation au sujet est extrême, la prise de conscience internationale, et cela implique un changement total de perspective. On considère enfin ces crimes pour ce qu’ils sont : non pas des dommages collatéraux mais une tactique délibérée à laquelle l’armée russe a eu recours depuis le début du conflit. On les scrute avec vigilance, on les documente, on en parle au plus haut niveau, et une volonté politique existe de tout mettre en œuvre pour combattre l’impunité. Je peux vous dire que depuis le mois de février, je n’ai pas cessé de travailler sur le dossier ukrainien.
Dispose-t-on de chiffres montrant l’ampleur de ces crimes ?
Communiquer des chiffres n’aurait aucun sens car ils n’évoqueraient que le sommet de l’iceberg. Et comment le mesurer ? Le viol, arme biologique, psychologique, à déflagration multiple, a cette singularité de ressembler au crime parfait puisque c’est le plus tu, le moins signalé, donc le moins condamné. On se heurte à des tabous culturels terribles, à la stigmatisation, à la peur des représailles. On affronte aussi le manque d’infrastructures pour traiter du problème. Vers qui les victimes peuvent-elles se tourner dans un conflit en cours, quand les bâtiments sont démolis, les institutions judiciaires désorganisées, les cellules de santé chaotiques ou débordées ? C’est extrêmement compliqué.
Le gouvernement ukrainien s’est-il saisi de la question ?
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