Tout part d’une bonne intention : dans le souci de mieux informer les citoyens sur l’impact de leur consommation énergétique, de provoquer si nécessaire un changement de comportement et d’éviter les coupures de courant, le gestionnaire du Réseau de Transport d’Electricité (RTE) a mis en place un dispositif nommé Ecowatt. Le principe est simple – trop peut-être – : une météo de l’énergie, qui rend compte en temps réel du niveau d’électricité disponible en France.
Depuis le début du mois d’octobre, compte tenu d’une entrée dans l’hiver qui approche autant qu’elle inquiète, les principales chaînes de télévision (France TV et TF1 en tête) relaient ces cartes dans leurs bulletins d’information, quotidiennement, comme on suit la météo des plages en été.
Le code couleur employé est lui aussi très simple, voire trop simple : les régions se teinteront de rouge lorsque le système électrique devient très tendu et sujet aux coupures ; d’orange lorsque le système se tend et que le recours à des écogestes est vivement recommandé ; et enfin, de vert, comme actuellement, quand nous pouvons toutes et tous nous contenter d’une « consommation normale ».
Le difficile usage de « la pointe » de consommation
C’est précisément là que le drame se joue ! Car une « consommation normale », moyenne, sans changement d’habitude particulier, nous conduit en réalité depuis des années au contexte pénurique dans lequel nous nous trouvons aujourd’hui, mais également au désastre écologique que nous touchons à peine du doigt.
Or, dans l’urgence de la crise géopolitique actuelle, c’est tous les jours, à tous les instants et plus encore en hiver, qu’il fasse doux ou froid, jour ou nuit, soleil ou vent, qu’il s’agit de baisser notre consommation pour diminuer l’utilisation de la production modulante – c’est-à-dire du gaz, directement ou indirectement russe, brûlé dans des centrales thermiques, en France, en Allemagne ou ailleurs, acheté à prix d’or en endettant nos enfants.
Certes, le rôle de RTE est plus de veiller à l’absence de coupures (à « la pointe » de consommation) qu’à l’intérêt national au sens large. Mais donner un « feu vert » à la consommation d’énergie, en se focalisant sur le seul passage de la « pointe » auquel on réserve les feux orange et rouge, peut même aggraver la situation en cas de vague de froid persistante. Car pour « passer la pointe », il faudra bien aussi avoir suffisamment de stocks de gaz disponibles à ce moment.
Faire les bons gestes au bon moment
Que se passera-t-il alors si ce gaz a été brûlé inconsidérément pendant les périodes de feu vert ? « Le simple est toujours faux, ce qui ne l’est pas est inutilisable », écrivait Paul Valéry. À vouloir faire très simple, RTE a choisi aussi de faire très faux. Si l’on peut comprendre les vertus pédagogiques de ce code couleur sur la forme, il est déplorable que sur le fond, RTE ne profite pas de ce momentum exceptionnel, durant lequel tous les regards sont tournés vers ce sujet longtemps relégué au second plan des préoccupations citoyennes, pour épouser une mission éducative d’intérêt général.
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