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SLA: traumatismes crâniens et surentraînement en cause ?

SLA: traumatismes crâniens et surentraînement en cause ?


L’espérance de vie des gens atteints de la sclérose latérale amyotrophique (SLA) varie généralement de deux à cinq ans. Dans le cas de Borje Salming, les effets de cette maladie neuromusculaire ont été fulgurants.

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Diagnostiqué de la SLA au mois d’août dernier, l’ancien défenseur étoile des Maple Leafs de Toronto est décédé hier à l’âge de 71 ans.

On l’avait vu fortement diminué lors de son passage à Toronto, à l’occasion des festivités entourant l’intronisation des membres de la cuvée 2022 du Panthéon du hockey.

Il avait déjà perdu l’usage de la parole et n’arrivait plus à se tenir debout seul.

Une photo le montrant flanqué de son ancien coéquipier Darryl Sittler en pleurs et de son compatriote suédois Mats Sundin a fait le tour de la planète hockey.

Deux semaines plus tard, il n’est plus.

Cas rare

Le Dr Rami Massie, neurologue à l’Institut neurologique de Montréal et à sa clinique de SLA, explique.

« C’est excessivement rapide », a-t-il dit lorsque j’ai communiqué avec lui hier.

« C’est très rare que la maladie progresse aussi vite. Par contre, il avait été mentionné à l’annonce du diagnostic qu’il montrait des symptômes de la maladie depuis six mois.

« On parle donc d’une période de neuf mois, mais ça arrive. L’un de mes patients est décédé dans le même laps de temps. »

L’objet de plusieurs études

J’avais rencontré le Dr Massie il y a quelques semaines pour lui parler de la SLA chez les athlètes.

Les cas sont nombreux au football et au soccer. Les traumatismes crâniens et un entraînement intensif de longue durée sont mentionnés comme causes possibles.

Le sujet fait l’objet de plusieurs études dans le monde, mais aucune ne fait état de conclusions concrètes.

« Il peut y avoir des études contradictoires, mais plus on accumule d’études positives, plus on a l’impression que ces deux facteurs jouent un rôle », indique le Dr Massie.

« Mais on parle de liens d’association et non de causalité. On peut dire que les athlètes qui subissent des traumas à la tête vont peut-être, mais pas nécessairement, avoir la SLA, mais on ne peut pas le prouver. »

« Le plus probable – et c’est la raison pour laquelle il est très difficile de faire un lien clair et définitif –, c’est de savoir s’il y a une association entre les traumas crâniens et les prédispositions génétiques des patients. »

Combinaison de facteurs

Le Dr Massie précise que 10 % des cas de SLA sont d’ordre génétique.

« Pour ce qui est des 90 % restants, on ne connaît pas la cause exacte », continue-t-il.

« C’est probablement attribuable à des facteurs environnementaux qui interagissent peut-être avec une prédisposition génétique. »

Salming était une force de la nature avant que la SLA le frappe de plein fouet. 

Il était dans une forme splendide et s’entraînait régulièrement. 

Juste à le regarder, on pouvait deviner que son taux de gras corporel était au plus bas. 

Une prédisposition génétique

Des recherches ont démontré que l’exercice intensif peut déclencher une prédisposition génétique de la maladie. Toutefois, les athlètes et les gens qui font de l’exercice physique rigoureux depuis longtemps n’ont pas lieu de s’alarmer.

« Je ne pense pas qu’un athlète de haut niveau doit se dire qu’il ne poussera pas à fond de peur de développer la SLA », estime le Dr Massie.

« Mais on sait aussi que l’exercice intense cause plusieurs effets négatifs. On développe de l’arthrose dans les articulations. Les athlètes de haut niveau sont plus maganés à 40 ou 50 ans que Monsieur et Madame Tout-le-monde. »

« Pour rester en santé, il vaut mieux faire du sport deux ou trois fois par semaine, 20 minutes par jour, que s’entraîner intensément. »

Toutefois, le Dr Massie ne pense pas que les personnes qui se soumettent à un entraînement rigoureux aient lieu de s’inquiéter.

« Oui, il y a un petit risque de développer la SLA, mais c’est très mineur par rapport aux bénéfices de l’exercice en général. » 

Risques plus élevés au football et au soccer 

Selon une étude conjointe menée par la Faculté de médecine de l’Université Harvard et le Massachussetts General Hospital de Boston, le risque pour un joueur de la NFL de recevoir un diagnostic positif à la SLA et d’en mourir est près de quatre fois supérieur comparé à la population masculine des États-Unis.

Sur un total de 19 000 anciens et joueurs actuels, 38 ont été diagnostiqués de la SLA et 28 sont décédés au cours d’un suivi moyen de 30,6 ans. 

Après ajustement en fonction de l’âge et de la race, l’incidence du diagnostic de SLA et de la mortalité était significativement plus élevée chez les joueurs de la NFL que chez les citoyens américains de sexe masculin.

De plus, les chercheurs ont constaté que la probabilité d’un diagnostic de SLA augmentait avec la durée de la carrière des joueurs dans la ligue.

En Italie, la moyenne des joueurs de soccer atteints de la maladie est supérieure aussi à la moyenne nationale. Des cas sont observés aussi en Angleterre et en Espagne.

Le rugby est un autre sport où on relève des victimes de la SLA.

Trois ex-Alouettes décédés

Le football canadien n’y échappe pas, évidemment. Trois anciens joueurs des Alouettes, Larry Uteck, Tony Proudfoot et Michael Soles ont été emportés par la SLA.

En 2013, j’avais rencontré Soles qui avait commencé à parler de sa condition huit ans après avoir reçu le diagnostic. Il s’exprimait à haute voix et de façon intelligible, mais son débit était lent. 


Michael Soles lors d’une entrevue en 2013.

Photo d’archives, Pierre-Paul Poulin

Michael Soles lors d’une entrevue en 2013.

Les muscles atrophiés de ses mains l’avaient forcé à abandonner la pratique du golf un an plus tôt.

L’ancien centre-arrière des Alouettes et des Redmen de l’Université McGill a vécu 16 ans avec la SLA. Il est décédé en juillet 2021, à l’âge de 54 ans.

Record de longévité

Le physicien anglais Stephen Hawking, dont la vie a fait l’objet de plusieurs documentaires et d’un film réalisé par les studios Universal, détient vraisemblablement ce qu’on pourrait appeler le record de longévité.

Il était âgé de 21 ans seulement en 1963 lorsqu’il a appris être atteint de la maladie. Il est mort à l’âge de 76 ans en 2018. 

Son cas et celui de Soles constituent des exceptions à la règle.

Uteck a vécu quatre ans avec la SLA tandis que Proudfoot est décédé après trois ans. 

Lien avec les commotions 

Étonnamment, la SLA est moins présente au hockey. 

Mark Kirton, qui a joué brièvement avec Borje Salming pendant deux saisons avec les Maple Leafs de Toronto, est le seul autre connu. Il a été diagnostiqué en 2018.

Par contre, une étude réalisée par le Centre de traumatologie de l’Université de Boston en 2018 établit un lien entre la SLA et l’encéphalopathie traumatique chronique (ETC).

Cette maladie dégénérative progressive des cellules du cerveau attribuable à plusieurs traumatismes crâniens est observée chez les joueurs de hockey, les joueurs de football et les boxeurs qui font don de leur cerveau à la science à leur décès.

Plusieurs joueurs de la Ligue nationale de hockey figurent parmi ceux-là. Le plus récent à avoir pris cet engagement est Jonathan Huberdeau, qui poursuit sa carrière avec les Flames de Calgary cette saison après 10 ans avec les Panthers de la Floride. 

Athlètes célèbres décédés de la SLA 

Lou Gehrig (1902-1941)

Surnommé The Iron Horse, il a disputé 2130 matchs consécutifs avec les Yankees de New York, de 1923 à 1939. Record qui a été abaissé par Cal Ripken, des Orioles de Baltimore, en 1995. Gehrig se démarquait des joueurs de son époque par sa forte musculature. Le 2 mai 1939, lors d’un match à Detroit, il se retira volontairement de la formation. Les premiers signes de la maladie avaient fait leur apparition. Il s’est éteint chez lui, le 2 juin 1941. Peu connue jusque-là, la SLA est devenue la maladie de Lou Gehrig dans la population américaine.

Jim Catfish Hunter (1946-1999)

Un des meilleurs lanceurs de son époque, il a connu cinq saisons consécutives de plus de 20 victoires avec les Yankees et les Athletics d’Oakland, entre 1971 et 1975. Il a remporté la Série mondiale cinq fois et participé à huit matchs des étoiles. En 1974, il a mérité le trophée Cy Young décerné au lanceur par excellence de la Ligue américaine. Diagnostiqué de la SLA en 1998, il est décédé l’année suivante après s’être heurté la tête lors d’une malencontreuse chute dans un escalier chez lui.

Dwight Clark (1957-2018)

Receveur éloigné étoile des 49ers de San Francisco de 1979 à 1987, il est devenu célèbre pour son attrapé spectaculaire en finale de l’Association nationale de la NFL, en 1984. Pourchassé par des joueurs des Cowboys de Dallas, il a capté une passe de Joe Montana avec moins d’une minute à jouer au quatrième quart, dans la zone des buts. Son touché permit aux 49ers de vaincre les Cowboys 28 à 27 et d’accéder au Super Bowl. Deux semaines plus tard, les 49ers remportaient le premier championnat de leur histoire en disposant des Bengals de Cincinnati. Son exploit a été immortalisé par une statue surnommée The Catch, laquelle est exposée à l’entrée du stade des 49ers. En 2017, Clark annonçait qu’il était atteint de la SLA. Il est décédé une quinzaine de mois plus tard.

Larry Uteck (1952-2002)

Originaire de la région de Toronto, ce demi défensif de descendance ukrainienne a porté les couleurs des Argonauts, des Lions de la Colombie-Britannique, des Alouettes et des Rough Riders d’Ottawa dans la Ligue canadienne de football. De 1983 à 1997, il a occupé les fonctions de directeur athlétique et d’entraîneur-chef des Huskies de l’Université St. Marys, à Halifax. Parallèlement, il a été conseiller municipal de la capitale de Nouvelle-Écosse de 1994 à 1999. En 2001 et 2002, il a vu les Huskies remporter la Coupe Vanier, emblème du championnat universitaire canadien. Le trophée décerné à l’équipe championne de la demi-finale de l’Est du football universitaire canadien porte son nom depuis 2002.

Tony Proudfoot (1949-2010)

Demi défensif étoile de la Ligue canadienne de football, il a contribué aux conquêtes de la Coupe Grey des Alouettes, en 1974 et 1977. Après sa carrière de joueur, il a été enseignant au Collège Dawson, entraîneur, commentateur et journaliste. Il prononçait une allocution à l’Université Concordia lorsqu’il a constaté des anomalies dans son élocution. En juin 2007, il annonçait à la radio être atteint de la SLA. « J’enseigne l’éducation physique et j’ai été actif toute ma vie. C’est ironique que je souffre d’une maladie qui s’attaque aux muscles. » Proudfoot a mis sur pied une fondation portant son nom qui a recueilli plus de 500 000 $ pour financer des travaux de recherche sur la SLA. Il s’est éteint à l’âge de 61 ans, le 30 décembre 2010. 

Michael Soles (1966-2021)

Un des meilleurs joueurs de l’histoire des Redmen de McGill, ce puissant centre-arrière a été choisi le joueur le plus utile à son équipe lorsque les siens ont remporté leur unique Coupe Vanier, en 1987. Repêché par les Eskimos d’Edmonton avec qui il a joué sept ans, il a obtenu des essais avec les Steelers de Pittsburgh et les Packers de Green Bay de la NFL. Il a profité du statut de joueur autonome pour se joindre aux Alouettes, en 1996. Son coéquipier Mike Pringle, qui fait partie du Panthéon du football canadien, lui a rendu un bel hommage en disant qu’il n’aurait pas totalisé autant de verges par la course, n’eussent été les blocs que Soles faisaient pour lui. Conseiller en placements après sa carrière au football, Soles combattait la SLA depuis 16 ans lorsqu’il en est décédé, le 21 juillet 2021.



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