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Ryma Anane, brûlée vive pour avoir refusé de se marier

Ryma Anane, brûlée vive pour avoir refusé de se marier



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En Algérie, Ryma Anane, enseignante de 28 ans, a été brûlée vive par un homme qui l’avait demandée en mariage. Grâce à l’aide de ses proches, la jeune femme a été hospitalisée en Espagne, vendredi, mais est toujours entre la vie et la mort. Cette nouvelle tentative de féminicide a provoqué une onde de choc dans le village natal de la victime et sur les réseaux sociaux.

« Ma fille a été brûlée. Elle a besoin d’aide de toute urgence car c’est son ennemi qui l’a brûlée. » Sur les réseaux sociaux, ce cri du cœur d’une mère en détresse, publié lundi 10 octobre, a provoqué une impressionnante vague de soutien. Dans cette vidéo, vue plus de 193 000 fois sur Facebook et plus de 34 000 fois sur TikTok, Nadia a lancé un appel aux dons pour aider sa fille, Ryma Anane, alors hospitalisée au service des grands brûlés, au CHU Nedir Mohamed de Tizi-Ouzou, une commune du nord de l’Algérie, située à une centaine de kilomètres de la capitale, Alger. 


Âgée de 28 ans, Ryma a échappé à la mort, contrairement aux 32 femmes tuées par des hommes depuis le début de l’année 2022. « Le 26 septembre au matin, un homme l’a brûlée vive. Il voulait l’épouser mais elle ne le voulait pas », explique Wiame Awres, cofondatrice de Féminicides Algérie, un collectif qui enquête sur les féminicides et les tentatives de féminicide en Algérie. Ryma, qui enseignait le français dans une école privée à Tizi-Ouzou, a été brûlée au troisième et quatrième degré, selon Wiame Awres, qui ajoute que « son pronostic vital est toujours engagé ». 

« Il a brûlé mon avenir »

Contactés par France 24, des proches de la victime rapportent que les faits se sont produits tôt le matin alors que Ryma attendait le bus dans le village d’Aït Farés pour se rendre à son travail. Selon eux, l’homme a aspergé Ryma d’essence avant d’allumer un briquet et d’incendier la jeune femme. Son cousin, Djamel Anane, qui vit juste à côté de chez elle, est encore sous le choc. « Avec ma femme, on a entendu des cris. On est vite sortis de chez nous. Et là, j’ai vu Ryma chez elle. Je n’oublierai jamais ses paroles. Elle répétait : ‘Il m’a brûlée, il a brûlé mon avenir' ». 

Djamel Anane a immédiatement transporté sa cousine jusqu’à l’hôpital le plus proche, la clinique de Makouda. « Au départ, elle croyait qu’elle n’avait que des brûlures légères », se rappelle ce cousin qui a constaté des « brûlures sur les deux mains, sur la poitrine et le dos ». Selon ses proches, une grande partie de son corps est brûlée.

>> Féminicides en Algérie : une lente prise de conscience

« Quand je suis allé voir Ryma le lendemain à l’hôpital, les médecins l’avaient placée sous respiration artificielle », poursuit Djamel Anane. Puis elle a été hospitalisée au CHU Nedir Mohamed. Mais son état continuait de s’aggraver. « Très vite, l’hôpital a manqué de moyens pour soigner Ryma donc il a fallu médiatiser son cas », explique Wiame Awres.

Mais cela n’a pas suffi. « Ryma était en réanimation et son pronostic vital était engagé. Il fallait la transférer en urgence dans un hôpital à l’étranger », poursuit Wiame Awres. La famille s’est d’abord tournée vers l’hôpital Saint-Louis à Paris, connu pour son expertise des grands brûlés. D’après le devis consulté par France 24, l’hôpital demandait plus de 316 000 euros pour 70 jours d’hospitalisation en réanimation. 

« L’hôpital Saint-Louis n’a pas accepté que l’on échelonne le paiement. Il voulait qu’on paye la totalité de la somme d’un seul coup. Mais qui peut faire ça ? Cela a retardé la prise en charge de Ryma à l’étranger. Et pendant ces quelques jours, elle aurait pu y passer », s’agace Mouloud*, un ami de la jeune femme qui se bat pour récolter des fonds pour financer les soins médicaux dont Ryma a besoin.

Une lueur d’espoir en Espagne

Une société d’accompagnement de malades à l’étranger, basée en Suisse, en Algérie et en France, ADM international, qui a aidé la famille à trouver des hôpitaux volontaires, s’est donc tournée vers d’autres alternatives. « L’agence a trouvé un hôpital à Madrid qui proposait un devis moins élevé et ils ont accepté que l’on paye la somme en plusieurs fois. Alors on a lancé des cagnottes dans la commune, à l’étranger, sur Internet », poursuit Mouloud. La seule cagnotte en ligne avait réuni, le 14 octobre au soir, plus de 1 100 participants, qui ont versé plus de 33 000 euros. 

C’est aussi vendredi que Ryma a quitté l’Algérie avec son frère, par avion médicalisé, pour l’hôpital universitaire de La Paz, à Madrid. L’établissement a confirmé qu’elle était prise en charge au service des grands brûlés, mais les médecins n’ont pas souhaité communiquer sur son état. 

Pour Djamel Anane, qui a « vu Ryma grandir », cette histoire relève de l’impensable. « On est tous traumatisés. On n’a jamais vu ça dans notre petit village de 900 habitants. On se connaît tous ici », ajoute-il, bouleversé. Il décrit « une jeune femme souriante, courageuse, qui a toujours eu la volonté de bien faire les choses et qui essayait de faire le bien autour d’elle. »

Avant ce passage à l’acte, il y a eu des signes avant-coureurs. « Ryma voulait aller en France pour suivre une formation. Mais lui [son agresseur] n’a pas accepté qu’elle parte, alors il l’a menacée. Il la suivait jusqu’à son école », affirme-t-il. Plusieurs sources rapportent que l’agresseur s’est rendu à la gendarmerie de son plein gré après l’attaque et qu’il n’a, à ce jour, pas été relâché par les forces de l’ordre.

D’après le décompte de Féminicides Algérie, cette tentative de meurtre qu’a subie Ryma n’est pas un cas isolé en Algérie. Le 16 avril 2022, une femme a été assassinée par son conjoint qui l’a brûlée vive devant deux de ses enfants. Wiame Awres rappelle aussi que « le premier féminicide de l’année 2022 est le fait d’un homme qui a tué une femme parce qu’elle ne voulait pas se marier avec lui ».

Ce type de violences est difficilement quantifiable en Algérie. « Ces cas sont de plus en plus visibles. Ce qui donne l’impression qu’ils sont en hausse. Mais c’est juste que maintenant, on en parle plus », affirme la militante féministe. 

*: à la demande de l’intéressé, son nom a été changé

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