Les lèvres pincées, regardant droit devant lui, Bernard Laporte n’a pas bronché lorsque le procureur financier François-Xavier Dulin a réclamé une peine « lourde » de trois ans de prison, dont un ferme, et une amende de 50 000 euros à son encontre. Il était alors près de 18 heures, mardi 20 septembre, et le président de la Fédération française de rugby (FFR) venait d’encaisser les réquisitions fracassantes du Parquet national financier (PNF) au huitième jour de son procès pour « prise illégale d’intérêt », « trafic d’influence passif par un agent public », « corruption passive par un agent public », « recel d’abus de biens sociaux », « abus de confiance » et « abus de biens sociaux ».
Devant la 32e chambre du tribunal correctionnel de Paris, une peine de prison similaire et une amende de 200 000 euros ont été requises, en son absence, contre le milliardaire Mohed Altrad, propriétaire du club de Montpellier et sponsor du maillot du XV de France. « Loin de se remettre en cause, les prévenus ont, par leur action durable, abîmé profondément la probité qui entoure le rugby français », a asséné M. Dulin, qui a demandé contre les deux barons de l’ovalie tricolore une « interdiction avec exécution immédiate d’exercer toute fonction dans le rugby pendant deux ans. »
Au terme de quatre années d’enquête, les magistrats du PNF ont dénoncé, devant la cour, le « péché originel » du tandem Laporte-Altrad, accusé d’avoir scellé un « pacte corruptif » : un contrat d’image conclu pour une durée d’un an, le 19 février 2017, pour 180 000 euros (taxes comprises) entre BL Communication, société de M. Laporte, et Altrad Investments Authority (AIA), la holding du groupe Altrad.
Selon la procureure financière Céline Guillet, cet accord, dont le principe avait été entériné à l’été 2016, soit avant l’élection de Bernard Laporte à la tête de la FFR, a placé ce dernier dans une « situation de conflit d’intérêts évident qui aurait dû le conduire à se déporter de toutes les interventions pour le groupe Altrad comme sponsor ou le club de Montpellier. »
La magistrate a rappelé que « ce contrat d’image tenu secret au sein de la FFR » n’a pas été exécuté après que le Journal du dimanche l’a révélé, à l’été 2017, malgré un virement fait à BL Communication en mars 2017. Il constitue un « avantage octroyé en contrepartie de décisions favorables à M. Altrad », a-t-elle souligné entre deux précisions juridiques.
« La quintessence du trafic d’influence »
Méthodiquement, son confrère François-Xavier Dulin a égrené les interventions supposées de Bernard Laporte « en faveur des intérêts privés » du milliardaire, « poule aux œufs d’or de la FFR ». Parmi les éléments à charge figure le soutien affiché par M. Laporte au projet, finalement avorté, de rachat par M. Altrad de parts du club anglais de Gloucester.
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