Une nouvelle vague de frappes russes a touché jeudi matin plusieurs régions d’Ukraine, faisant au moins un blessé, ont annoncé les autorités ukrainiennes. À Dnipro (centre-est), deux sites d’infrastructure ont été touchés et une personne a été blessée, a indiqué la présidence. À Kiev, deux missiles de croisière ont été abattus par la défense ukrainienne alors que près d’Odessa (sud), des infrastructures ont été touchées, selon les autorités régionales respectives.
Les principales informations à retenir :
- Rien n’indique que le missile tombé en territoire polonais ait été lancé intentionnellement, selon plusieurs chefs d’États.
- Les pannes d’électricité accroissent le risque d’incident nucléaire, alerte l’AIEA
- Les autorités ukrainiennes ont découvert une nouvelle chambre de torture à Kherson
« Je ne sais pas ce qu’il s’est passé », reconnait Zelensky
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a déclaré jeudi « ne pas savoir ce qu’il s’est passé » en Pologne où un missile est tombé mardi, tuant deux personnes, après avoir pourtant affirmé que le projectile était « russe ». « Je ne sais pas ce qu’il s’est passé. Nous ne savons pas avec certitude. Le monde ne le sait pas. Mais je suis sûr que c’était un missile russe, je suis sûr que nous avons tiré depuis des systèmes de défense aérienne », a-t-il déclaré, cité dans un communiqué de la présidence ukrainienne.
Les souffrances de civils sont la « conséquence » du refus de Kiev de négocier, dit le Kremlin
Les souffrances de civils en Ukraine, confrontés en plein hiver à des coupures d’électricité après les frappes russes sur les infrastructures énergétiques, sont la « conséquence » du refus de Kiev de négocier avec Moscou, a affirmé le Kremlin. « C’est la conséquence du manque de la volonté de la partie ukrainienne de régler le problème, d’entamer des négociations, son refus de chercher un terrain d’entente », a déclaré à la presse le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, interrogé sur les coupures d’électricité dont souffrent des millions d’Ukrainiens.
Zelensky réfute la thèse de l’Otan pour le missile en Pologne
Volodymyr Zelensky a réfuté la thèse de l’Otan et Washington qui estiment que le missile ayant atterri en Pologne vient de la défense ukrainienne. « Je n’ai aucun doute que ce missile n’était pas à nous », a déclaré mercredi soir le président ukrainien Volodymyr Zelensky à la télévision tout en soulignant que Kiev voulait faire partie d’un groupe d’enquête international sur cet incident.
Kiev a réaffirmé mercredi que le missile ayant tué deux personnes la veille dans un village polonais près de la frontière avec l’Ukraine était « russe », contredisant l’Otan et Washington qui accréditent plutôt la thèse d’un missile de défense ukrainien. « Je n’ai aucun doute que ce missile n’était pas à nous », a déclaré mercredi soir le président ukrainien Volodymyr Zelensky à la télévision tout en soulignant que Kiev voulait faire partie d’un groupe d’enquête international sur cet incident.
« Je crois que c’était un missile russe, conformément au rapport des militaires » ukrainiens, a-t-il ajouté alors que les responsables de l’Otan ont estimé qu’il s’agissait probablement d’un missile du système ukrainien de défense anti-aérienne. Il a ensuite réclamé l’accès des experts ukrainiens à « toutes les données » des Occidentaux et au site de l’explosion du missile tombé en Pologne. « Nous voulons établir tous les détails, chaque fait ».
Budapest avait fustigé auparavant Volodymyr Zelensky, estimant qu’il donnait « un mauvais exemple » en affirmant que le missile était russe. « Dans une telle situation, les dirigeants mondiaux s’expriment de manière responsable », a déclaré Gergely Gulyas, chef de cabinet du Premier ministre hongrois Viktor Orban.
La chute du missile sur le village polonais de Przewodow a fait craindre que l’Otan ne soit entraînée dans le conflit — provoquant une escalade majeure — en Ukraine, car la Pologne est protégée par un engagement de défense collective de l’Alliance atlantique. La Russie a nié avoir tiré ce missile, Varsovie elle-même jugeant « hautement probable » qu’il s’agisse d’un projectile anti-aérien ukrainien, évoquant « un accident malheureux ».
Le missile a tué deux hommes à Przewodow en frappant un bâtiment agricole, laissant la Pologne sous le choc et son armée en état d’alerte renforcée. La Maison Blanche n’a « rien vu qui contredise » l’hypothèse, avancée par Varsovie, selon laquelle ce missile provenait « selon toute probabilité » de la défense anti-aérienne ukrainienne, a estimé mercredi une porte-parole du Conseil de sécurité nationale, Adrienne Watson.
« L’incident a été probablement causé par un missile du système ukrainien de défense anti-aérienne tiré pour défendre le territoire ukrainien contre les missiles de croisière russes », a déclaré le chef de l’Otan Jens Stoltenberg, après une réunion de crise à Bruxelles.
Pas d’attaque « intentionnelle »
« Rien n’indique qu’il s’agissait d’une attaque intentionnelle contre la Pologne », a également affirmé le président polonais Andrzej Duda. Depuis Bali où le G20 était réuni en sommet, le président américain Joe Biden avait auparavant lui aussi jugé « improbable » que le missile ait été tiré par la Russie.
Moscou a salué la « retenue » de Washington. La Pologne avait réuni mardi en urgence son Conseil de sécurité nationale et convoqué l’ambassadeur de Russie pour « des explications détaillées immédiates ». Le ministère russe des Affaires étrangères a indiqué mercredi soir avoir signifié à l’ambassadeur polonais à Moscou Krzysztof Krajewski, « le caractère inacceptable du renforcement en Pologne d’une hystérie antirusse » après l’incident.
« Alors qu’il faisait nuit et qu’il n’y avait à ce moment-là aucune information fiable sur ce qui venait de se passer, Varsovie a jugé nécessaire de convoquer l’ambassadeur russe et de transformer cela en un show politique », a dénoncé la diplomatie russe, tout en appelant la Pologne à ne pas prendre part à « de sales provocations ».
Mao Ning, porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, a appelé « toutes les parties concernées » à « rester calmes et à faire preuve de retenue afin d’éviter une escalade ».
Alerte de l’AIEA
La Russie a envahi l’Ukraine le 24 février et en contrôle encore des portions de territoire, malgré une série de défaites sur le champ de bataille ces derniers mois. La Pologne, qui a une frontière de 530 km avec l’Ukraine, est un leader régional en terme d’assistance militaire et humanitaire à son voisin oriental. Elle accueille sur son territoire quelque 10.000 militaires américains.
Le missile est tombé alors que la Russie menait mardi des frappes massives sur les infrastructures civiles ukrainiennes, qui ont laissé des millions de foyers sans électricité. Les missiles russes ont frappé des villes dans tout le pays, dont Lviv (ouest), près de la frontière polonaise.
« La panne d’électricité d’hier (mardi) montre clairement que la situation en matière de sûreté et de sécurité nucléaires en Ukraine peut soudainement empirer, ce qui accroît le risque d’une urgence nucléaire », a déclaré dans un communiqué Rafael Grossi, le directeur général de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA).
Le chef d’état-major américain, le général Mark Milley, a jugé mercredi que ces frappes de missiles russes constituaient un « crime de guerre ». Le plus haut gradé des Etats-Unis a estimé que la Russie avait échoué sur tous les fronts dans sa guerre contre l’Ukraine, et y menait par conséquent une « campagne de terreur ».
Ces frappes, qui ont fait au moins un mort à Kiev, ont entraîné des coupures de courant généralisées en Ukraine et jusqu’en Moldavie voisine. Moscou a nié mercredi avoir visé la capitale, affirmant que « toutes les destructions dans les quartiers d’habitation de la capitale ukrainienne (…) sont le résultat direct de la chute et de l’autodestruction des missiles anti-aériens lancés par les forces ukrainiennes ».
Chambre de torture
La semaine à venir sera « difficile » pour les habitants de la région de Kiev, a prévenu le gouverneur régional Oleksiï Kouleba, car « les destructions sont importantes » et « on s’attend à ce que (…) les températures descendent jusqu’à -10°C ». Ces attaques russes ont eu lieu quatre jours après l’humiliant retrait des forces russes d’une partie de la région de Kherson, dont la ville du même nom, dans le sud, après plus de huit mois d’occupation.
Le service de sécurité de l’Ukraine a annoncé mercredi soir la découverte d’une « autre chambre de torture des occupants russes » à Kherson. « Les Russes y ont gardé des patriotes locaux qui refusaient de coopérer avec l’ennemi dans des conditions inhumaines. Les habitants de Kherson ont été interrogés et brutalement torturés », a ajouté cette source.
Le ministre ukrainien des Affaires intérieures Denys Monastyrskyi a indiqué mercredi soir que 436 procédures avaient été ouvertes après la découverte dans cette région d’éléments pouvant être qualifiés de crimes de guerre, notamment onze sites d’emprisonnement dont « quatre » ayant des traces de salles de torture. Jusqu’à présent, « 63 corps » ont été retrouvés « mais les recherches ne font que commencer et beaucoup plus de sites de torture et de mises en terre seront découverts », a-t-il relevé, selon le site du gouvernement ukrainien.