Le Programme alimentaire mondial (PAM) est aux premières loges de la crise alimentaire qui sévit depuis plusieurs années et qui a été amplifiée par l’épidémie de Covid-19 puis par la guerre en Ukraine. En portant assistance à plus de 150 millions de personnes, l’agence onusienne représente le plus important programme d’aide humanitaire dans le monde. Son directeur exécutif, l’Américain David Beasley, était invité à s’exprimer au Forum de Paris pour la paix, vendredi 11 novembre. Dans un entretien au Monde, il détaille les principales menaces en matière de sécurité alimentaire.
Après le Yémen, l’Afghanistan, l’Ethiopie et le Soudan du Sud, la Somalie pourrait rejoindre la liste des pays en famine. Quelle est la situation sur place et dans quelles conditions y interviennent les équipes du PAM ?
La Somalie est le prochain pays à frapper aux portes de la famine. Elle a enchaîné les saisons sans pluie qui ont décimé ses récoltes, et subit l’inflation alimentaire et une situation conflictuelle. Nous y avons déployé un programme d’aide sans précédent et les donateurs intensifient leurs dons, même si j’aurais souhaité qu’ils le fassent plus tôt. Est-ce que nous pourrons y éviter une famine ? Je crains que non, mais nous faisons tout pour inverser la tendance le plus vite possible.
La situation sécuritaire en Somalie est extrêmement fragile. Il y a encore des régions où nous avons des difficultés à atteindre les populations dans le besoin. Nous appelons les Chabab et tous les groupes armés qui bloquent les accès à respecter les droits humanitaires, et en ce moment même, sommes en train de négocier avec eux.
La faim dans le monde s’aggrave depuis plusieurs années. Quelles sont aujourd’hui vos principales sources d’inquiétude ?
On n’a pas encore vu le pire de la tempête pour l’instant. L’initiative céréalière de la mer Noire [accord conclu en juillet pour faciliter les exportations agricoles depuis les ports ukrainiens et dont la prolongation est en cours de discussion] est essentielle pour calmer les marchés et aider à sortir les céréales et les engrais. Si cela s’écroule, le problème de prix auquel nous faisons face aujourd’hui pourrait se transformer en problème de production en 2023 et 2024. Il y a une multiplication des sécheresses dans le monde, pas seulement dans la Corne de l’Afrique ou au Sahel, mais aussi en Amérique du Nord et du Sud, au Moyen-Orient, en Asie, avec des impacts dévastateurs pour la production alimentaire. Et en Afrique, la pénurie d’engrais pourrait entraîner une baisse de la production alimentaire estimée à 2 milliards de dollars.
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