Tribune. L’hommage, que la Fondation de la Maison de Tunisie à Paris, en collaboration avec le Comité pour le respect des libertés et des droits de l’homme en Tunisie (CRLDHT), avait initialement prévu de rendre le 9 décembre 2022 à Sophie Bessis, historienne et intellectuelle tunisienne engagée, internationalement reconnue tant pour ses ouvrages que pour ses prises de position, vient d’être « reporté » sine die par cette institution au motif de « contraintes d’ordre administratif et logistique ». Tels sont les termes laconiques d’un message envoyé quelques jours avant l’événement par les responsables de la Maison de Tunisie.
Comment ne pas rapprocher une telle décision ex abrupto du climat d’hostilité entretenu à l’heure actuelle à l’égard des démocrates de notre pays ? Cette décision semble en effet confirmer une inquiétante dérive vers l’interdiction de toute parole libre et critique à l’égard du pouvoir.
Sophie Bessis, femme de gauche et militante féministe qui s’exprime régulièrement pour la défense des droits et libertés et dont l’engagement démocratique n’est plus à démontrer, doit pouvoir s’exprimer librement au sein des institutions publiques tunisiennes. Si la soirée prévue le 9 décembre 2022 devait avant tout rendre hommage à son œuvre et à son parcours, et non traiter spécialement de l’actualité tunisienne, les points de vue critiques récemment formulés par l’historienne contre l’évolution anti-démocratique du pouvoir tunisien nous semblent clairement constituer la toile de fond de l’annulation de l’événement. Tout comme la présence de participants qui n’ont cessé de dénoncer ces derniers mois la dérive des institutions tunisiennes vers une présidence omnipotente.
La censure dont Sophie Bessis n’est pas la seule à faire aujourd’hui l’objet est une manifestation supplémentaire et alarmante de la volonté des autorités de réduire au silence la société civile, les intellectuels et toutes les institutions indépendantes qui s’opposent au retour de pratiques que l’on croyait appartenir au passé.
C’est la raison pour laquelle nous exprimons notre solidarité avec Sophie Bessis en dénonçant cette atteinte inacceptable à la liberté d’expression et en exprimant notre inquiétude devant la volonté de plus en plus claire du pouvoir de censurer les intellectuels qui veulent continuer à s’exprimer librement.
Neila Tlili, présidente de l’Association tunisienne des femmes démocrates (ATFD) ; Aminata Dramane-Traoré, ancienne ministre, Mali ; Mokhtar Trifi, avocat, ancien président de la Ligue tunisienne des droits de l’homme (LTDH) ; Lucette Valenci, historienne ; Wassila Tamzali, écrivaine, militante féministe, Algérie ; Youssef Seddik, écrivain, philosophe, Tunisie ; Mohau Pheko Ponso Ya Bassadi ancienne ambassadrice d’Afrique du Sud ; Hamadi Redissi, universitaire, politologue, Tunisie ; Khadija Riadi, lauréate du prix des droits de l’homme des Nations unies, ancienne présidente de l’AMDH-Maroc. Suite de la sélection d’une quarantaine de signataires