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Mort de Hebe de Bonafini, porte-drapeau des « Mères de la Place de Mai » qui ont défié la dictature en Argentine

Mort de Hebe de Bonafini, porte-drapeau des « Mères de la Place de Mai » qui ont défié la dictature en Argentine


Hebe de Bonafini à Buenos Aires, le 4 mai 2017.

Elle était devenue la « voix » des Mères de la Place de Mai qui ont défié la dictature militaire argentine (1976-1983) en réclamant inlassablement, jusque sous leurs fenêtres, des nouvelles de leurs « disparus ». Hebe Pastor de Bonafini est morte, dimanche 20 novembre, à l’âge de 93 ans.

Initiée le 30 avril 1977, leur ronde hebdomadaire à Buenos Aires devant la Casa Rosada (Maison Rose, siège de l’exécutif), coiffées d’un fichu blanc rappelant les langes et brodé au nom d’un « disparu » (quelque 30 000 selon les organisations humanitaires), a braqué les projecteurs sur la junte.

« Très chère Hebe, Mère de la Place de Mai, symbole mondial de la lutte pour les droits humains, fierté de l’Argentine. Dieu t’a rappelée le jour de la Souveraineté nationale [jour férié en Argentine]… Ca ne doit pas être un hasard. Simplement merci et adieu », a salué dimanche la vice-présidente argentine Cristina Kirchner. Peu après, Alejandra Bonafini a annoncé dans un communiqué que sa mère était décédée à l’Hôpital italien de La Plata, dans la province de Buenos Aires, où elle avait été admise il y a quelques jours.

Le président argentin Alberto Fernandez a également salué « la combattante infatigable des droits humains », décrétant dans un communiqué dimanche trois jours de deuil national en son honneur.

Disparition de deux de ses trois fils

Née le 4 décembre 1928 à Ensenada, près de La Plata dans une famille modeste, mariée à 14 ans et n’ayant connu que l’école primaire, elle a 39 ans lorsque la « Guerre Sucia » (Sale Guerre) bouleverse son existence et celle de ses trois enfants. En 1977, ses deux fils sont enlevés, Jorge Omar (8 février), Raul Alfredo (6 décembre) puis l’épouse de Jorge, Maria Elena Bugnone Cepeda (25 mai 1978).

Hebe Pastor de Bonafini ne sait vers qui se tourner lorsqu’une mère de « disparu » lui propose de se joindre à un rassemblement devant la Casa Rosada. C’est le début d’un combat que seule la mort, dit-elle, pourra arrêter. Outre quarante années de rassemblement, Hebe de Bonafini et les « Madres de Plaza de Mayo » avaient à leur actif 25 années de « marches de résistance » de 24 heures d’affilée, jusqu’au 26 janvier 2006 où elles reconnaissent être vaincues par l’âge.

Aujourd’hui, les « Mères », que la combative Hebe Pastor de Bonafini dirigeait depuis 1979, se retrouvent toujours le jeudi devant l’obélisque de Plaza de Mayo, mais désormais pour dénoncer toutes les formes d’oppression, une évolution qui, en 1986, a provoqué leur scission.

Lire aussi Argentine : les Mères de la place de Mai, quarante ans de lutte

Devenue une figure controversée

L’association des « Mères de la Place de Mai-ligne fondatrice », présidée par Estela Barnes de Carlotto, est dédiée purement à la défense des droits de l’homme tandis que celle de Hebe de Bonafini est plus politisée. Après s’être réjouie des attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis, elle avait réagi à l’attaque meurtrière contre Charlie Hebdo, en janvier 2015, en estimant que « la France colonialiste qui a laissé des pays dans la ruine n’a pas l’autorité morale pour parler de terrorisme criminel. Demandez aux Algériens, aux Haïtiens et à ses dizaines de colonies ».

Défenseuse des régimes de Chavez puis de Maduro au Venezuela, elle était également devenue une figure controversée en Argentine pour son soutien inébranlable aux époux Kirchner.

La fondation qu’elle dirigeait, « Rêves partagés » des « Mères », est devenue sous la présidence de Nestor puis de Cristina Kirchner une ONG de 6 000 employés, recevant de l’Etat un total de 129 millions d’euros pour la construction notamment de logements sociaux et d’hôpitaux. En 2017, un scandale impliquant son fondé de pouvoir, soupçonné de blanchiment d’argent, l’a éclaboussée ainsi que sa fille Alejandra Bonafini, alors directrice de la fondation, et plusieurs responsables gouvernementaux. Elle avait alors dénoncé une « manœuvre » politique du président Mauricio Macri (2015-2019) qu’elle avait qualifié d’« ennemi ».

Le Monde avec AFP

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