Un des principaux partis de l’opposition au président Paul Biya, qui dirige le Cameroun depuis quarante ans, a exigé dans un communiqué la libération de dizaines de cadres et militants, citant des experts de l’ONU qui jugent « arbitraire » leur détention depuis trois ou quatre ans. Trente-neuf d’entre eux devaient être jugés en appel, jeudi 17 novembre, mais la cour a rejeté 30 requêtes et ajourné pour la troisième fois l’audience au 15 décembre pour les autres.
M. Biya a été réélu en 2018 lors d’un scrutin contesté, notamment par son rival Maurice Kamto, président du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC). En 2019 et 2020, près de 700 cadres et militants avaient été arrêtés, dont M. Kamto, avant, pendant et après des « marches incontestablement pacifiques » mais « objets de violentes répressions », selon les experts de l’ONU. Des dizaines d’entre eux, dont M. Kamto, ont été libérés après plus de huit mois sans inculpation et d’intenses pressions internationales, mais 47 autres ont été condamnés fin 2021 par un tribunal militaire à un à sept ans de prison, notamment pour « rébellion ».
Dans un communiqué transmis dans la nuit de mercredi à jeudi à l’AFP, le MRC et ses avocats s’appuient sur un rapport du 4 novembre des experts du groupe de travail sur la détention arbitraire du Conseil des droits de l’homme de l’ONU. Ces derniers se sont focalisés sur les cas de quinze cadres du parti, dont M. Kamto, le porte-parole du MRC, Olivier Bibou Nissack, et le trésorier, Alain Fogue Tedom, ces deux derniers étant toujours en prison. MM. Bibou Nissack et Fogue Tedom, condamnés à sept ans de prison en première instance, font partie des 30 condamnés dont l’appel a été rejeté jeudi par une cour d’appel de Yaoundé composée d’un juge civil et de trois assesseurs militaires.
Des traitements « cruels » et « dégradants »
Les experts mandatés par l’ONU ont notamment qualifié d’« arbitraires » leurs longues détentions préventives sans motifs notifiés et d’« illégales », au regard du droit international, leurs condamnations par un tribunal militaire alors qu’ils sont tous civils. Le groupe de travail a recommandé à l’ONU d’exiger de Yaoundé leur « libération immédiate » et « l’indemnisation » du préjudice pour ceux remis en liberté, dont la plupart ont subi des traitements « cruels » et « dégradants », voire des « tortures physiques et morales ».
« Le Cameroun doit appliquer » les avis du groupe d’experts, « car il est tenu par les traités internationaux auxquels il est partie », a déclaré mercredi Maurice Kamto, également avocat au procès en appel. Les experts onusiens écrivent qu’ils ont sollicité les autorités camerounaises pour commenter leurs recommandations mais n’ont reçu aucune réponse.
Dans un rapport du 6 octobre, le même groupe de travail a également qualifié d’« arbitraires » et « illégaux » l’« enlèvement » au Nigeria, le 5 janvier 2018, puis la « déportation » au Cameroun et la condamnation à la prison à vie, en l’absence d’avocats, de dix militants séparatistes anglophones de ce pays majoritairement francophone, dont leur leader politique, Julius Ayuk Tabe.
Les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, peuplées principalement par les anglophones, sont le théâtre depuis cinq ans d’une guerre très meurtrière entre groupes armés indépendantistes et forces de l’ordre. ONU et ONG internationales accusent régulièrement les deux camps de crimes visant les civils. Le conflit a fait plus de 6 000 morts et déplacé plus d’un million de personnes depuis fin 2016, selon l’International Crisis Group.
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