Analyse. A la Chambre des représentants des Etats-Unis, la commission d’enquête sur l’assaut lancé contre le Capitole le 6 janvier 2021 a poursuivi ses travaux alors qu’approchent les élections de mi-mandat, mardi 8 novembre. Elle mène ses investigations sur la responsabilité de Donald Trump et de son entourage dans ces événements survenus au moment où les parlementaires certifiaient les résultats de la présidentielle de 2020. Cette enquête ne pèse cependant pas bien lourd dans la campagne en vue des midterms du mardi 8 novembre. Si 71 % des Américains estiment que la démocratie est en danger, l’économie reste leur principale préoccupation, selon un sondage publié par le New York Times en juillet. Les auditions ont néanmoins mis en lumière le rôle joué par certains intellectuels pour soutenir le trumpisme.
Parmi ces derniers, celui qui est considéré comme l’architecte de la journée du 6 janvier : John Eastman. Ce juriste et ancien professeur de droit a rédigé le plan que Donald Trump voulait mettre à exécution afin d’empêcher Joe Biden d’accéder à la présidence. Cet échafaudage juridique sans grande valeur faisait du vice-président Mike Pence le rouage central pour permettre au milliardaire de rester à la Maison Blanche.
A travers John Eastman, les Américains ont découvert l’influence acquise sous Trump par un cercle de réflexion peu connu. Le juriste est en effet chercheur au Claremont Institute. Ce think tank, situé dans la banlieue de Los Angeles, emploie différents penseurs qui, comme John Eastman, diffusent un discours haineux, insurrectionnel et fortement empreint d’autoritarisme. Il y a peu, le Claremont Institute était respecté au sein de l’establishment conservateur. Sa radicalisation, par l’adoption de positions illibérales et intolérantes, montre à quel point certaines élites intellectuelles américaines se laissent séduire par la régression démocratique.
Pouvoirs arbitraires
Le Claremont Institute a été fondé en 1979 par Harry Jaffa (1918-2015), un brillant intellectuel qui pouvait se montrer intransigeant. C’est lui qui aurait inspiré à Barry Goldwater, candidat républicain à la présidentielle de 1964, une formule lapidaire : « L’extrémisme dans la défense de la liberté n’est pas un vice. La modération dans la poursuite de la justice n’est pas une vertu. » Barry Goldwater, qui était soutenu par l’aile la plus radicale du parti, s’exprimait alors à la convention républicaine. Avec ces deux phrases, il mettait le point final à un discours sécuritaire et va-t-en-guerre. Mais Harry Jaffa est un personnage qui ne se résume pas à cette formule. Il est également l’auteur d’une œuvre largement saluée sur Abraham Lincoln, président visionnaire qui a aboli l’esclavage en 1865. Disciple du philosophe Leo Strauss (1899-1973), figure tutélaire du néoconservatisme, Jaffa est l’initiateur du courant des « West Coast Straussians », les straussiens de la Côte ouest.
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