Peut-être les hommes du Nigeria devront-ils éviter bientôt de participer à des bals costumés déguisés en Mami Wata. Une proposition parlementaire vise à criminaliser le travestissement défini comme « la pratique consistant à porter des vêtements habituellement portés par une personne du sexe opposé ». Si la proposition de loi était adoptée, toute personne reconnue coupable de ce comportement vestimentaire pourrait se voir infligée une peine de six mois de prison ou une amende de 1 200 dollars (1 173 euros)…
À Lire
Homosexualité en Afrique, la différence tous risques
Bien évidemment, le projet cerne moins les amateurs de la chanson « Au bal masqué » de la Compagnie créole que les individus non binaires – qui ne se reconnaissent pas dans l’alternative de genre homme/femme –, les queers ou les personnes à quelque étape que ce soit d’un changement de sexe. Il s’agit de renforcer la loi sur l’interdiction du mariage entre personnes de même sexe (SSMPA) signée par Goodluck Jonathan en 2014. Celle-ci interdit déjà aux partenaires de même sexe de vivre ensemble ou toute « démonstration publique de relation amoureuse entre personnes de même sexe ».
Transphobie
Que le nouvel article sur le travestissement entre ou pas en vigueur, son actualité traduit la volonté de tisser toujours plus la toile de la criminalisation de la communauté LGBTQ+ du Nigeria.
Brandissant des versets de textes saints, les partisans du durcissement affirment vouloir protéger les valeurs familiales –porter des vêtements d’un autre sexe inspirant potentiellement les relations homosexuelles honnies–, l’humanité tout entière, voire la civilisation dans son ensemble. Et d’affirmer que ces valeurs morales seraient indiscutablement dominantes dans la société nigériane.
À Lire
Sénégal : fausse discorde autour de l’homosexualité
Dominantes ou pas, les opinions homophobes et transphobes les moins nuancées pullulent sur les réseaux sociaux. Les militants des causes LGBTQ+ entendent tirer la sonnette d’alarme au niveau de la communauté internationale. Et comme l’humour est une clef de la dédramatisation et un ressort de la viralité numérique, la personnalité travestie Bobrisky a tweeté que la modification de la loi contribuerait certainement à résoudre les problèmes de sécurité, les pénuries d’électricité et l’inflation…
À Lire
Botswana : la justice décriminalise l’homosexualité
Une exception serait-elle de nature à confirmer la règle ? L’amendement potentiel sur le travestissement pourrait comporter une exemption accordée aux artistes. Un comédien pourrait donc interpréter une adaptation africaine du rôle de Madame Doubtfire où un homme se fait passer pour une gouvernante. De même, une actrice pourrait endosser le rôle de Yentl, cette jeune fille qui se travestit en garçon, dans le but de fréquenter une école réservée aux hommes. Enfin, la créativité de spectacles dits “de cabaret” ou à caractère humoristique pourrait être moins brimée.
Il reste à définir précisément quel accessoire de mode est exclusivement masculin et quel autre féminin…