Jean-François Carenco, le nouveau ministre délégué aux outre-mer, vient de se voir confier une mission délicate : trouver un accord avec La Réunion sur l’avenir d’Air Austral. La compagnie aérienne réunionnaise, dont la situation financière tendue a été aggravée par la pandémie de Covid-19, est portée à bout de bras depuis des mois par l’Etat et la région. La Commission européenne, qui, dans un premier temps, avait demandé à la France de lui notifier un plan de sauvetage avant la fin juin, s’impatiente. Mais la réunion censée clore le dossier, qui s’est tenue la semaine du 18 juillet au ministère de l’économie et des finances, s’est soldée par un constat d’échec.
Lors de cette rencontre, les équipes de Bercy ont présenté un plan concocté sous l’égide du CIRI (Comité interministériel de restructuration industrielle), passant par un rapprochement entre Air Austral et Corsair, sa cousine des Antilles. Ce montage, selon nos informations, consiste à placer les deux compagnies sous une holding commune dans laquelle 120 millions d’euros d’argent frais seraient injectés : 55 millions d’euros de capitaux réunionnais, 30 millions provenant d’investisseurs antillais et, enfin, 35 millions apportés par Equerre Capital Partners, le fonds de « redéploiement » créé par Patrick Puy et Pascal Lebard − le premier est vétéran des restructurations d’entreprise, le second, spécialiste de l’investissement.
Le fonds serait aux manettes, l’Etat apportant son soutien en abandonnant 320 millions d’euros de créances portant essentiellement sur Air Austral. « Nous sommes au travail. Les discussions se poursuivent entre l’Etat français, la Commission et les parties prenantes du dossier », se borne-t-on à indiquer à Bercy.
« Patriotisme économique »
La région Réunion, principal actionnaire de la compagnie à travers la société d’économie mixte Sematra, ne veut pas de ce schéma. « Nous avons de fortes réserves », reconnaît un proche de la collectivité territoriale, qui souhaite rester anonyme, car les discussions sont confidentielles. Huguette Bello, la présidente (divers gauche) du conseil régional, entend garder la main sur le troisième employeur privé local (950 emplois), acteur-clé du désenclavement de l’île. Elle avait d’ailleurs fait appel au « patriotisme économique » afin de renflouer Air Austral.
Elle avait été entendue. L’assemblée délibérante régionale avait approuvé, le 28 juin, un plan de sauvetage du transporteur, avec 55 millions d’euros d’apports émanant de la Sematra et d’investisseurs locaux emmenés par le PDG d’un groupe de cliniques privées, Michel Deleflie, sous réserve également d’un abandon de créances consenti par l’Etat. Pour les élus de La Réunion, il n’y a aucune raison d’ajouter Corsair dans la boucle.
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