Après des mois de tensions, la République démocratique du Congo (RDC) accusant le Rwanda de soutenir la rébellion du M23 (pour « Mouvement du 23 mars », une ancienne rébellion tutsi qui avait repris les armes à la fin de 2021), Kinshasa a annoncé, samedi 29 octobre, l’expulsion de l’ambassadeur du Rwanda présent dans le pays.
Cette décision a été communiquée à l’issue d’une réunion du conseil supérieur de défense, présidée par le président congolais, Félix Tshisekedi. Ce dernier avait fait état d’« une arrivée massive d’éléments de l’armée rwandaise » pour appuyer le M23 « en vue d’une offensive générale contre les positions des forces armées » congolaises.
« Il est regrettable que le gouvernement de RDC continue de faire porter au Rwanda la responsabilité de ses propres échecs de gouvernance et de sécurité », ont répondu les autorités rwandaises dans un communiqué dimanche matin, en ajoutant que les forces de sécurité rwandaises à la frontière avec la RDC étaient désormais placées en état d’alerte.
Avancées territoriales du M23
Samedi, le M23 progressait de nouveau dans l’est de la RDC, s’emparant notamment de deux villes, Kiwanja et Rutshuru-centre, situées sur la route nationale 2 (RN 2), axe stratégique desservant Goma, chef-lieu de la province du Nord-Kivu.
Compte tenu de cette offensive, la Mission de l’Organisation des Nations unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (Monusco) a annoncé avoir « élevé le niveau d’alerte de ses troupes, déployées pour soutenir les FARDC [les forces armées de la RDC] dans leurs opérations contre le M23 ». « Elle fournit un appui aérien, du renseignement et de l’équipement », a-t-elle précisé sur Twitter.
Dans la matinée, des habitants et responsables locaux interrogés au téléphone avaient fait savoir que les rebelles avaient pris le contrôle des localités de Kiwanja et Rutshuru-centre. Quatre casques bleus ont été blessés dans les combats de Kiwanja : deux par un tir de mortier et deux autres par des armes légères, a précisé la Monusco dans un communiqué.
Un responsable de l’hôpital général de Rutshuru a, de son côté, fait état de « quelques blessés à Kiwanja suite à une petite résistance ». Mais « le calme est revenu. Les gens commencent à circuler et à ouvrir les boutiques », a-t-il ajouté, sous couvert d’anonymat.
Les casques bleus accusés d’inefficacité
A Kiwanja, « dans notre quartier nous avons enregistré trois morts, un homme, et une femme et son enfant, tués par des obus tombés sur les maisons », a déclaré un habitant, Eric Muhindo, interrogé par téléphone depuis Goma.
Rutshuru-centre se situe à environ 70 kilomètres de Goma. Des rebelles du M23 sont également signalés à Rugari, à quelque 30 kilomètres de Goma, également sur la RN 2. Entre les deux se trouvent, à Rumangabo, une grande base des FARDC et le quartier général du parc national des Virunga.
Le M23, qui dit avoir repris les armes parce que Kinshasa n’aurait pas respecté des accords sur la réinsertion de ses combattants, s’est emparé en juin de la cité de Bunagana, à la frontière ougandaise. Après plusieurs semaines d’accalmie, il progresse depuis le 20 octobre à l’intérieur du territoire de Rutshuru, où les combats ont provoqué le déplacement de dizaines de milliers de personnes.
Les casques bleus offrent « un appui direct » aux FARDC, a assuré la Monusco dimanche matin sur Twitter. Déployés en RDC depuis la fin de 1999, les casques bleus font face à de plus en plus de critiques. Beaucoup de Congolais les accusent ainsi d’inefficacité face aux groupes armés qui terrorisent l’est du pays depuis près de trente ans.
En novembre-décembre 2012, le M23 avait occupé Goma pendant une dizaine de jours, avant d’être vaincu l’année suivante par les forces armées congolaises et les casques bleus, après dix-huit mois de guérilla.
Rapport confidentiel de l’ONU
Sa résurgence a provoqué un regain de tension entre la RDC et le Rwanda, accusé par Kinshasa depuis le début de l’année de soutien actif à cette rébellion.
Un rapport confidentiel de l’ONU, sorti dans la presse en août, pointait une implication du Rwanda auprès du M23 et, cette semaine, un ambassadeur américain aux Nations unies a clairement évoqué « l’aide apportée par les forces de défense rwandaises au M23 ».
Le Rwanda dément et accuse en retour la RDC – qui nie elle aussi – de collusion avec les FDLR (Forces démocratiques de libération du Rwanda), un mouvement de rebelles hutu rwandais, dont certains impliqués dans le génocide des Tutsi en 1994 au Rwanda.
Plusieurs initiatives diplomatiques ont été lancées pour tenter de surmonter la crise, sans succès jusqu’à présent.