Le droit de la consommation repose sur le constat que le consommateur se trouve en position d’infériorité (juridique et économique) par rapport au professionnel avec lequel il contracte. Il contient donc des dispositions plus favorables à cette partie réputée faible que le droit commun des contrats.
Reste à savoir qui peut en bénéficier : le médecin qui fait une réservation hôtelière en vue d’assister à un congrès médical est-il un « consommateur » ou un « professionnel » ? Telle est la question que pose l’affaire suivante.
Le 11 septembre 2017, M. X, neurologue, réserve par téléphone une chambre au Boutique Hôtel de Bordeaux, afin d’y séjourner, avec son épouse, pendant un congrès de neurologie. Las, la veille du congrès, il est hospitalisé. Lorsque son épouse demande la restitution du prix de la chambre (1 496 euros), l’hôtel lui oppose la clause de son contrat qui exclut tout remboursement en cas d’annulation.
M. X saisit donc la justice. Il affirme que cette clause – dont il n’a eu connaissance qu’après avoir réservé, ce qui constitue un « défaut d’information préalable » – doit être écartée : elle est abusive au regard du code de la consommation (article L 212-1), en ce qu’elle crée un déséquilibre significatif à son détriment.
D’autres professionnels
La société Calma, qui gère l’hôtel, soutient alors que M. X ne peut invoquer le code de la consommation, car il n’est pas un consommateur. Celui-ci est en effet défini, dans l’article liminaire du code de la consommation, comme une personne physique qui n’agit pas « dans le cadre » de son activité professionnelle. Or, fait-elle valoir, M. X n’a loué la chambre que parce qu’un congrès concernant sa spécialité médicale devait avoir lieu, peu important qu’il doive être accompagné ou non de son épouse. Le tribunal la suit et juge, le 23 novembre 2020, qu’il ne peut revendiquer la qualité de consommateur.
M. X se pourvoit en cassation, en soutenant que sa participation au congrès ne fait pas de lui un professionnel vis-à-vis de l’hôtel. L’avocat général de la cour estime que sa requête doit être rejetée, au regard de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, selon laquelle la notion de consommateur doit être interprétée de manière « restrictive ».
Il n’est pas suivi : la cour, réunie en formation de section de dix magistrats (et non en formation restreinte de trois), juge, en effet, le 31 août (2022, 21-11.097), qu’« en souscrivant le contrat d’hébergement litigieux, M. X n’agissait pas à des fins entrant dans le cadre de son activité professionnelle ». Elle casse le jugement et renvoie les parties devant le tribunal judiciaire de Pau, qui pourra rejuger l’affaire et écarter la clause litigieuse.
Comment comprendre l’arrêt, lapidaire, de la cour ? « Le médecin qui loue une chambre n’agit pas dans le cadre de son activité professionnelle, qui consiste à soigner, estime Me Thomas Lyon-Caen, avocat de M. X. De plus, lorsqu’il réserve lui-même, sans passer par l’intermédiaire d’une centrale professionnelle, il se retrouve dans la position d’un consommateur lambda vis-à-vis de l’hôtelier. » L’arrêt pourrait donc concerner d’autres professionnels (représentants de PME, agriculteurs…) qui organisent eux-mêmes leurs voyages d’affaires.