LE GOUVERNEMENT FACE AU RISQUE DE FRACTURE DE SA MAJORITÉ
Le gouvernement s’est retrouvé face à un dilemme délicat en tentant de négocier avec Les Républicains un compromis sur le projet de loi immigration. L’objectif était de parvenir à un accord acceptable pour sa majorité, en particulier pour son aile gauche qui s’oppose à un texte trop proche de l’extrême droite. Cette situation a conduit à un envoi du projet de loi immigration en commission mixte paritaire (CMP) afin d’avancer sur une ligne de crête difficile à tenir pour parvenir à un accord avec les parlementaires Les Républicains (LR).
Un premier obstacle a été la motion de rejet votée à l’Assemblée nationale le 11 décembre. Emmanuel Macron et sa Première ministre, Élisabeth Borne, ont alors choisi de convoquer une CMP pour tenter de trouver un compromis. Cependant, le projet de loi immigration qui sera examiné par les quatorze parlementaires lors de la CMP sera basé sur la version votée au Sénat, ce qui complique encore davantage la recherche d’un terrain d’entente. La version votée au Sénat a été largement durcie par la droite LR lors de son examen en novembre, ce qui a suscité des craintes au sein de l’aile gauche de la majorité.
UNE LIGNE DE CRÊTE DIFFICILE À TENIR
Les dirigeants LR ont affirmé que la CMP devait entériner « tout le texte du Sénat, rien que le Sénat », ce qui a fait tiquer l’aile gauche de la majorité. La députée Renaissance Caroline Janvier a déclaré qu’elle voterait contre si leurs lignes rouges n’étaient pas respectées, et qu’elle n’était pas la seule à tenir ce discours. De même, la députée Stella Dupont a souligné qu’il existe une limite à ne pas franchir entre un texte de droite et un texte d’extrême droite, exprimant son opposition à un texte qui stigmatise les étrangers et s’éloigne des valeurs républicaines.
L’aile gauche de la majorité a fixé certaines lignes rouges lors d’une réunion du groupe, comme le maintien de l’AME, l’interdiction de placer en centre de rétention des mineurs de moins de seize ans, le retrait de l’article qui conditionne le bénéfice de certaines aides sociales à cinq années de résidence en France, et d’autres. Cependant, un recul sur la régularisation des travailleurs sans papiers pourrait être consenti, ce qui a suscité des discussions au sein de la majorité.
UNE IDENTITÉ POLITIQUE À PRÉSERVER
Le président de la commission des lois, Sacha Houlié, figure de l’aile gauche de la majorité, a déclaré que les discussions avec LR étaient « âpres » et « difficiles » et que la majorité tenterait de sauvegarder la mesure concernant les travailleurs sans papiers « dans la mesure du possible ». Il a également souligné qu’il pourrait ne pas voter le texte issu de la CMP. Ces déclarations révèlent la détermination de l’aile gauche de la majorité à préserver son identité politique, même au prix de l’opposition à un projet de loi important.
La CMP de lundi constituera un test majeur pour la majorité présidentielle, qui semble plus divisée que jamais. La divergence de lignes entre les députés de 2017 et les nouveaux arrivants de 2022, pour beaucoup issus de la droite, pourrait avoir des conséquences inédites sur l’avenir du groupe Renaissance. Il est clair que l’aile gauche de la majorité entend rester fidèle à ses valeurs, même au risque de compromettre l’unité de la majorité présidentielle.
En conclusion, la recherche d’un compromis sur le projet de loi immigration est un défi de taille pour le gouvernement, qui doit jongler entre les exigences de la droite et les principes de son aile gauche. La CMP de lundi sera décisive pour l’avenir de la majorité présidentielle, et pourrait aboutir à des conséquences inattendues. Il est évident que l’aile gauche de la majorité est prête à défendre ses valeurs coûte que coûte, même si cela signifie voter contre un texte qui ne respecte pas ses exigences.
Pour plus d’informations sur le projet de loi immigration et les débats autour de la CMP, consultez les articles suivants :
– Loi immigration : quels scénarios possibles pour la commission mixte paritaire ?
– Loi immigration : chronique d’une majorité politique introuvable