Depuis 2017, la force d’Emmanuel Macron sur la scène politique ne tient qu’à la faiblesse de ses adversaires. Tout en représentant un socle électoralement majoritaire dans le pays, à défaut de l’être dans l’Hémicycle parlementaire, ces derniers sont aujourd’hui divisés, notamment depuis les élections législatives de juin 2022, en deux tendances radicales : le Rassemblement national à l’extrême droite (17,30 % des suffrages exprimés) et la Nouvelle Union populaire, écologique et sociale à gauche (31,60 % des suffrages exprimés).
Ces deux forces d’opposition ne parviendront pas en unissant leurs voix à renverser le gouvernement, faute de détenir à elles seules la majorité parlementaire requise pour obtenir la censure telle que prévue par l’article 49.3 de la Constitution. Il leur manque, comme cela vient d’être démontré lors du vote des motions du 24 octobre et 4 novembre, en réponse à l’engagement de la responsabilité du gouvernement sur ses textes budgétaires, l’appoint de 50 députés Les Républicains. Ces derniers éprouveront toujours, en effet, des réticences compréhensibles à mêler leurs voix à celles qu’ils rangent dans le camp des « extrêmes » dont certaines, comme le montre crûment la récente saillie raciste du député RN Grégoire de Fournas, sont à la peine dans leur effort de dédiabolisation et trahissent leur vrai visage.
Avec 38,57 % des suffrages exprimés, le socle électoral d’Emmanuel Macron est un bloc inférieur à celui que constitue l’ensemble de ses oppositions. Mais il a pour atout d’être solidement uni autour de valeurs centristes et libérales. Sociologiquement minoritaire, ce « bloc bourgeois », pour reprendre la formule des économistes Bruno Amable et Stefano Palombarini (L’Illusion du bloc bourgeois. Alliances sociales et avenir du modèle français, Raisons d’agir, 2018), a été mis à l’épreuve pendant la crise des « gilets jaunes », face à des classes populaires majoritaires mais divisées.
L’épouvantail du vote extrémiste
En d’autres termes, en rassemblant autour de lui un bloc qui est parvenu, sous la bannière de la modération politique, à faire le deuil du vieux clivage gauche-droite, Emmanuel Macron n’a plus d’adversaires politiques susceptibles de le déstabiliser de manière crédible. En tuant ce clivage, il les a neutralisés et a remporté les suffrages parce qu’aucune alternative républicaine ne s’offrait aux électeurs, majoritairement peu enclins à ouvrir les portes de l’Elysée ou celles de Matignon au Rassemblement national ou à La France insoumise. Il est un président élu par défaut qui a commis l’exploit de se positionner au centre de l’échiquier politique en se servant habilement de l’épouvantail du vote extrémiste.
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