Berlin a annoncé lundi 14 novembre la nationalisation de la filiale allemande du géant russe de l’énergie Gazprom. Objectif : sauver de la faillite ce fournisseur de gaz, surendetté et déjà administré par l’Etat allemand. Il s’agit de garantir la sécurité d’approvisionnement en gaz de l’Allemagne, explique le ministère de l’économie dans un communiqué. Ainsi, Berlin nationalise pour la deuxième fois en quelques mois un groupe énergétique de premier plan, après avoir déjà sauvé l’allemand Uniper, asphyxié par les coupures de gaz russe.
La société Sefe, qui opérait auparavant sous le nom de Gazprom Germania, compte parmi ses clients des services publics municipaux et détient une part de marché en Allemagne d’environ 20 %. Le groupe possède aussi de nombreuses infrastructures de transport et de stockage de gaz, dont le plus grand réservoir d’Europe situé à Rehden (Nord-Ouest). L’Etat allemand avait déjà pris le contrôle début avril de l’entreprise, sur fond d’exacerbation des tensions énergétiques entre la Russie et les pays occidentaux depuis l’invasion de l’Ukraine.
Unique actionnaire de Gazprom Germania, Gazprom avait annoncé, le 1er avril, qu’il avait retiré ses actifs de sa filiale. Berlin avait voulu éviter que l’entreprise tombe entre des mains hostiles, voire qu’elle soit liquidée, et avait confié, pour six mois, sa gestion à l’Agence fédérale des réseaux (Bundesnetzagentur), la rebaptisant Sefe. Un arrêté comptable datant de fin août précise que Sefe compte 1 milliard d’euros de capitaux propres pour 3 milliards de dettes, signifiant qu’elle se trouve en situation de surendettement. « Les partenaires commerciaux et les banques ont suspendu leurs relations d’affaires avec la société ou sont réticents à en nouer de nouvelles », a signalé le ministère de l’économie.
« Eviter une paralysie »
Pour assainir la situation financière et clarifier le lien de propriété, Berlin va procéder à une manœuvre comptable : le capital incluant les réserves va être réduit dans un premier temps à zéro, avec pour conséquence que l’ancien actionnaire russe va perdre le contrôle, moyennant une indemnité qui reste à déterminer. L’Allemagne injectera ensuite 225 millions d’euros dans la société, devenant ainsi le « nouvel actionnaire unique ».
Berlin prévoit également de porter à 13,8 milliards d’euros un prêt de la banque publique KfW à l’entreprise, afin d’augmenter les fonds propres de celle-ci par un échange de dettes contre des actions. Ces mesures seront financées par le plan de soutien de 200 milliards d’euros décidé début octobre par Berlin pour protéger son économie face à la crise énergétique et qui a été critiqué par plusieurs pays européens.
La Pologne a pour sa part placé sous tutelle, lundi, la participation de Gazprom dans la société EuRoPol Gaz qui gère le tronçon polonais du gazoduc Yamal, a annoncé le ministère polonais du développement. Gazprom contrôlait 48 % de cette société, contre 52 % pour l’Etat polonais.
Cette mesure, prise à la demande de l’Agence de la sécurité nationale (ABW, contre-espionnage), est « nécessaire (…) notamment pour éviter une paralysie décisionnelle de cette entreprise et assurer la sécurité des infrastructures critiques destinées au transport du gaz », précise le ministre du développement Waldemar Buda dans un communiqué.
Le gazoduc Yamal-Europe, ouvert en 1994, relie la ville de Torjok, dans le centre de la Russie, via la Pologne à l’Allemagne, sur plus de 2 000 kilomètres. Avant l’agression russe contre l’Ukraine en février, il était l’un des principaux vecteurs de l’approvisionnement de l’Europe en gaz russe. Fin avril, Gazprom a suspendu complètement les livraisons de gaz à la Pologne dans le cadre du contrat Yamal.