Sacrée partie d’échecs dans la tente du Qatar. Choc annoncé de la phase de groupes de la Coupe du monde, la rencontre opposant l’Espagne à l’Allemagne a délivré ses promesses, dimanche 27 novembre. Dans ce duel entre deux équipes cornaquées par un entraîneur aux idées arrêtées, Espagnols et Allemands n’ont su se départager, dans le stade Al-Bayt d’Al-Khor (1-1).
Luis Enrique et Hansi Flick n’ont pas grand-chose à voir. L’un est un grand fin, l’autre un brin plus trapu. Mais celui qui dirige l’Espagne comme celui qui entraîne l’Allemagne partagent un amour du beau jeu – même si pas tout à fait le même – et la volonté de voir leurs troupes jouer à tous crins. Dans l’ambiance tempérée du nord du Qatar, deux équipes sans stars – formule qui ne devrait plus être valable dès la prochaine grande compétition – mais pas sans idées s’en sont donné à cœur joie.
Entre deux formations aux passés opposés – l’Espagne a rossé le Costa Rica (7-0) quand l’Allemagne a perdu face au Japon (1-2) – pour leurs matchs d’ouverture, les deux entraîneurs avaient choisi de se priver d’un attaquant de pointe, privilégiant chacun un « faux numéro 9 » (milieu offensif placé en attaque), pour plus de variété dans le jeu. Et la première période a vu la Roja et la Mannschaft avancer leurs premières pièces.
« J’ai été là pour de nombreux matchs contre l’Espagne par le passé, quand nous avons perdu en 2008 et 2010 », observait Hansi Flick samedi. L’entraîneur allemand était alors fidèle adjoint de Joachim Löw. « Mais tout ça n’a plus d’importance. Les matchs d’avant sont dans le passé, et demain est le futur. » Mais le futur a d’abord follement ressemblé à certaines rencontres passées.
Deux buts d’attaquants
Côté Roja, comme prévu, les partenaires d’un Sergio Busquets omniprésent au milieu ont monopolisé la balle, changeant de position comme autant de pions. Et Dani Olmo, Jordi Alba puis Ferran Torres tentent de tromper la vigilance de Manuel Neuer, au terme d’actions ciselées par la paire de jeunes Barcelonais, Gavi et Pedri. De l’autre côté, plus verticale, la Mannschaft se projette et tente de prendre à revers l’arrière-garde espagnole. Et Serge Gnabry éprouve les gants d’Unai Simon, avant qu’Antonio Rüdiger ne trompe le portier espagnol sur un coup franc. Mais le défenseur allemand a rapidement été signalé hors-jeu.
Samedi, Luis Enrique avait confessé se « sentir plus à l’aise quand [il] devait relever [son] équipe, quand tout est contre nous ». Et l’entraîneur asturien de s’affubler d’un sobriquet guère flatteur. « Je dois vraiment être un abruti », pour préférer manager l’échec au succès. Heureusement pour lui, les Allemands n’entendaient pas laisser ses troupes briller sans adversité.
Le plan A ne fonctionnant pas, les deux entraîneurs ont fait entrer de nouvelles pièces. En dépit d’un jeu toujours fluide, l’Espagne ne parvenait pas à peser dans la surface adverse, aussi Luis Enrique a incorporé Alvaro Morata à l’équation. Pur attaquant, le joueur de l’Atletico de Madrid lui a donné raison sans tarder. Moins de dix minutes après son entrée en jeu, le numéro 7 espagnol a conclu en un geste une action en triangle lancée par Dani Olmo (1-0, 62e). Son deuxième but de la compétition après celui contre le Costa Rica, le deuxième en sortant du banc.
Les quatre équipes du groupe peuvent encore se qualifier
Mené et mal embarqué, à son tour, Hansi Flick a dévoilé son jeu. Et les entrées en jeu de Leroy Sané, Lukas Klostermann et de l’attaquant Niclas Füllkrug ont permis d’équilibrer les débats. Sur une action de Jamal Musiala, qui a pris le meilleur sur Rodri, une nouvelle fois décalé en défense centrale, l’attaquant de 29 ans du Werder Brême, néophyte en sélection il y a encore dix jours, a égalisé d’un tir imparable (1-1, 83e). Et malgré quelques escarmouches, les deux équipes se quittent sur un nul mérité.
« C’est un pur numéro 9, un vrai buteur, qui marque quand on en avait besoin », a salué après la rencontre Ilkay Gündogan au micro de la BBC. Pour le milieu de terrain de Manchester City, la Mannschaft « avait besoin d’un résultat comme ça » pour se remettre les idées en place après leur déception du match inaugural.
Beauté de cette compétition, aucune équipe de ce groupe n’est assurée de son sort alors que s’achève la deuxième journée. Jeudi 1er décembre (à 20 heures, heure de Paris), les quatre rivaux tenteront de s’extraire d’un groupe finalement incertain. Une défaite aurait mal embarqué les affaires de l’Allemagne (sans les éliminer tout à fait), mais les partenaires de Thomas Müller ont à nouveau leurs chances de se hisser en huitièmes de finale.
De leur côté, malgré leur victoire écrasante au premier match, les Espagnols peuvent encore être éliminés – sur un alignement de planètes dépassant, certes, le système solaire. Achevée sur un « pat », la partie d’échecs se poursuit dans quatre jours.