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L’aide à l’Afrique fait les frais du soutien à l’Ukraine

L’aide à l’Afrique fait les frais du soutien à l’Ukraine



En novembre 2022 au camp de personnes déplacées de Faladié à Bamako, les chefs d’Etat africains commençaient à s’inquiéter de la somme de milliards de dollars que l’Ukraine recevait pour faire face à l’invasion russe. Ils avaient craint que cette solidarité ne se joue à leur détriment. Les chiffres préliminaires de l’Aide publique au développement (APD) fournis par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) confirment cette crainte. En 2022, l’aide publique accordée par les pays riches a augmenté de 13,6%, atteignant 204 milliards de dollars (187 milliards d’euros). Cependant, les pays d’Afrique subsaharienne en ont été exclus. Au contraire, l’enveloppe qui leur a été allouée a été réduite de 7,8% à 29,7 milliards de dollars, un niveau comparable à celui de 2017.

Les fonds débloqués pour l’Ukraine (16,1 milliards de dollars, soit 7,8% de l’APD totale) et l’accueil des réfugiés dans les pays donateurs expliquent ces chiffres records pour 2022. Ces dépenses, comptabilisées dans l’aide publique au développement, ont représenté plus de 29 milliards de dollars en 2022, soit quasiment autant que les sommes dédiées aux programmes de développement ou aux opérations humanitaires sur le continent même. Le Danemark et la Suède ont reporté une partie de leur aide extérieure sur l’Ukraine et l’accueil des réfugiés dès le début de la guerre. Au Sahel, la dégradation des relations entre les donateurs et les régimes putschistes a rendu ces décisions d’autant plus aisées. Le gouvernement danois a annoncé diviser par deux ses appuis au Burkina Faso dès le mois de mars.

Louis-Nicolas Jandeaux d’Oxfam-France souligne que « l’objectif de l’aide est de soutenir les populations les plus vulnérables dans les pays en développement. Or des montants de plus en plus conséquents ne passent même plus les frontières des pays donateurs. C’est regrettable même s’il est aussi important de faire davantage d’efforts pour l’accueil des réfugiés ». La France est apparue comme l’un des rares pays à avoir augmenté ses soutiens à l’Afrique, mais les données fournies par les experts de l’OCDE ne permettent pas de mesurer précisément l’ampleur ni la ventilation géographique ou sectorielle.

Le continent africain fait face à des crises alimentaires sans précédent. Les conflits et les événements climatiques extrêmes ont aggravé la situation dans plusieurs régions, comme le Sahel ou la Corne de l’Afrique, où des millions de personnes ont été déplacées et dépendent de l’aide humanitaire pour garantir leur subsistance. La situation de surendettement dans laquelle se trouvent une vingtaine de pays et la hausse des taux d’intérêt sur les marchés internationaux réduisent la capacité d’accès au crédit des Etats.

Le Fonds monétaire international (FMI) prévoit une croissance de 3,6% de l’Afrique subsaharienne cette année contre 3,9% en 2021. Ibrahim Mayaki, secrétaire exécutif de l’agence de planification du Nouveau Partenariat pour le développement de l’Afrique (Nepad), explique que « ce désengagement des pays donateurs va contraindre les pays les plus vulnérables [les plus dépendants de l’aide] à davantage mobiliser leurs ressources domestiques, ce qu’ils font jusqu’à présent très peu. S’ils y parviennent, notamment, en améliorant leur gouvernance, le recul de l’aide aura finalement un effet positif. Mais on peut aussi imaginer un scenario négatif où la réduction des ressources conduit à une absence encore plus grande de l’Etat, à davantage de pauvreté et d’insécurité ».

Ces chiffres préliminaires doivent être lus avec prudence car ils ne prennent pas en compte l’aide transitant par les organisations multilatérales comme la Banque mondiale et le bilan final, qui ne sera pas disponible avant plusieurs mois. Cependant, ce désengagement des pays donateurs met à mal les discours de promesses de solidarité formulés par les pays riches pour répondre au choc de la pandémie de Covid-19.

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