En créant avec trois associés [S]CITY, Emma Vilarem, docteure en neurosciences cognitives, spécialiste des interactions sociales, est partie du constat que la ville pouvait nuire à la santé mentale. Son agence sonde, depuis 2019, les besoins émotionnels, cognitifs et sociaux des citadins afin de mieux prendre en compte le bien-être dans les aménagements urbains.
La vie urbaine menace-t-elle notre santé mentale ?
Vivre en ville présente de nombreux avantages pour l’individu : accessibilité des services de santé, réseau de transport dense, loisirs et activités culturelles à proximité… Mais, a contrario, la ville peut aussi fragiliser notre santé mentale. Les auteurs d’une étude pionnière, réalisée à Chicago entre 1922 et 1934, indiquent que les taux d’incidence des maladies mentales, notamment la schizophrénie, diminuent fortement entre le centre-ville et la périphérie urbaine.
Loin d’être une spécificité de l’organisation spatiale des villes étatsuniennes, une étude suédoise, menée en 1992, trouvait une corrélation entre la densité du milieu urbain et la schizophrénie. Et des travaux de 2014 recensent, en Europe, deux fois plus d’états dépressifs en ville qu’à la campagne, d’après la consommation d’antidépresseurs. Les ruraux ont peut-être moins accès aux soins et corrélation ne signifie pas lien de cause à effet. Ces chiffres soulèvent plutôt la question des nombreux mécanismes qui pèsent sur la santé mentale en ville : isolation sociale, pollution sonore et visuelle, stress lié à l’agitation urbaine, manque d’espaces verts…
Connaît-on l’impact de ces mécanismes sur notre cerveau ?
Dans un espace urbanisé densément peuplé, notre cerveau est la cible d’un grand nombre de stimulations sensorielles (bruit, images, foule, etc.) qui affectent négativement l’humeur, le sommeil ou encore la concentration. Mais il peut aussi être privé de stimulations sociales pourtant essentielles à son fonctionnement : c’est le paradoxe de la solitude dans les grandes villes. Ainsi, une étude de 2021 réalisée au Royaume-Uni indique que le sentiment de solitude augmente avec la densité de population et qu’il diminue lorsque les gens se sentent inclus socialement et aussi s’ils sont au contact de la nature.
« Deux études montrent qu’après une heure et demie de marche dans un parc, les participants obtiennent de meilleurs résultats à des tests cognitifs »
Les espaces verts ont d’autres effets bénéfiques sur notre cerveau. Deux études ont respectivement montré qu’après une heure et demie de marche dans un parc, les participants obtiennent de meilleurs résultats à des tests cognitifs et ruminent moins qu’après le même temps de marche en ville. Enfin, installer des espaces verts sur des friches diminuerait la violence et le stress des habitants. Il est donc crucial de concevoir des lieux connectés à la nature dans tous les quartiers.
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