Le mot d’ordre est à la sobriété. D’abord la sobriété énergétique pour passer l’hiver. Puis, une sobriété plus structurelle que nous impose la crise écologique et qui appelle une révision profonde de nos modes de vie et de consommation.
L’Observatoire de la consommation responsable, dans une enquête conduite par l’Observatoire société et consommation fin 2020 avec le concours de l’entreprise de recyclage Citeo, montrait que 44 % des Français pouvaient déjà être considérés comme significativement engagés dans une consommation « raisonnée », soucieuse de ses impacts. Une dynamique est manifestement en cours, bien au-delà des avant-gardes militantes, en phase avec la prise de conscience de la gravité de la situation et soutenue par l’évolution des normes sociales (un tiers des personnes qui continuent de prendre l’avion confessent un sentiment de culpabilité).
Pourtant, à y regarder de plus près, les inflexions observées dans les habitudes de consommation associent le plus souvent une contribution au bien commun avec un bénéfice consommateur. Economiser l’énergie permet de réduire la facture ; manger bio est bon pour la planète, mais surtout pour la santé ; acheter des vêtements d’occasion, c’est leur donner une seconde vie, mais aussi les acheter moins cher et pouvoir se livrer aux plaisirs de la fast fashion en bonne conscience… Le seul sentiment de « faire sa part » est rarement suffisant pour convaincre de changer ses habitudes, surtout si le consommateur a le sentiment d’y perdre. Significativement, le coût est le premier frein à une consommation plus responsable, mis en avant par les personnes sondées par l’enquête citée plus haut.
Dès lors, la marche vers une sobriété plus radicale nous semble devoir passer par des avancées simultanées dans trois directions.
« Dématérialiser » la valeur économique
Il y a d’abord l’action des pouvoirs publics. En complément de la carotte des incitations (avantages fiscaux, primes ou bonus écologiques, etc.), ils peuvent jouer du bâton des taxes, du rationnement, voire de l’interdiction pure et simple. Mais avancer dans cette direction risque de soulever de fortes oppositions, en particulier quand naît un sentiment d’injustice, de répartition inégale de l’effort à fournir, comme l’a montré la crise des « gilets jaunes ».
Il y a ensuite la progression volontaire des consommateurs citoyens vers des modes de vie plus sobres. Cela suppose une capacité à se défaire de l’emprise de l’hyperconsommation. La réceptivité à ses sirènes est d’autant plus forte que la consommation remplit le vide existentiel laissé par le recul des grands systèmes de pensée, jusqu’au mythe du progrès qui cède devant le pessimisme ambiant et qui conduit une majorité de Français à considérer que « c’était mieux avant ». Alors, carpe diem ! et délectons-nous des plaisirs éphémères de la consommation.
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