Après une mémorable nuit d’au revoir où les torrents de larmes versées dans l’O2 Arena ont bien failli faire déborder la Tamise voisine, les admirateurs de Roger Federer se sont réveillés avec la gueule de bois, samedi 24 septembre, au premier jour du reste de sa vie de retraité.
Pour Gérard Piqué aussi, la nuit a dû être courte. Ces images de la grande famille du tennis émue à l’unisson pour célébrer à Londres lors de la Laver Cup les adieux du Suisse au circuit professionnel ont dû hanter le défenseur du FC Barcelone et chef d’orchestre de la Coupe Davis depuis 2019. Difficile, en effet, de faire contraste plus saisissant entre les salles tristement vides, mi-septembre, pendant les rencontres des phases de groupes de la Coupe Davis reliftée version Piqué et la salle londonienne en liesse, vendredi.
La Laver Cup, création de Federer et de son agent Tony Godsick, assume une source d’inspiration, la Ryder Cup du golf. Dans sa déclinaison au tennis, les meilleurs joueurs européens défient non pas les seuls Américains, mais « le reste du monde ». Jusqu’ici, l’épreuve réussit là où la traditionnelle Coupe Davis a elle-même longtemps prospéré : accueillir, si ce n’est tous les meilleurs joueurs, du moins suffisamment de têtes d’affiche (moyennant des garanties financières généreuses tenues secrètes), et, comme ce week-end à Londres, se jouer à guichets fermés.
Epreuve au milieu du gué
Certes, l’événement lancé en 2017 par Federer a lui-même en partie contribué à la « mort cérébrale » de sa vénérable aînée. Mais la Laver Cup se trouve encore au milieu du gué : l’épreuve est reconnue par l’ATP, qui l’a intégré à son calendrier depuis sa 3e édition en 2019, mais elle ne distribue pas (encore ?) de points, la ramenant de facto à un statut d’exhibition. Au-delà de cette édition 2022, où la retraite de Federer a totalement relégué la compétition au deuxième plan, son enjeu sportif reste donc encore à prouver.
L’avenir dira si ce rendez-vous, soutenu par les rutilants sponsors du Suisse, lui survivra. Tant que les meilleurs joueurs se prêtent au jeu, le format a cette capacité à générer des instantanés télégéniques et des clichés à fort potentiel viral. Le décor est léché, presque labellisé : un court en ciment anthracite sur fond noir, une salle plongée dans l’obscurité, de vastes canapés surélevés où s’agglutinent les prestigieux coéquipiers.
Soucieux de l’héritage qu’il laissera, l’ancien patron du circuit a conçu la Laver Cup comme une compétition reliant les générations et les légendes de ce sport, depuis le glorieux Australien qui a donné son nom à l’épreuve – encore présent ce week-end à Londres, à 84 ans –, jusqu’au « Big 4 » (Ferderer, Nadal, Djokovic et Murray) en passant par les capitaines et anciens rivaux John McEnroe et Björn Borg.
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